« Ma manière de travailler, c’est de n’oublier personne. Mon objectif est d’impliquer un maximum d’acteurs dans nos démarches, parce que la transition écologique, comme la vie de quartier, ne peuvent réussir que collectivement. »
Vous êtes Conseillère d’arrondissement, déléguée de Paris Centre en charge de l’Histoire de Paris, de la Seine, du suivi des plans climat et de la prospective, référente aux conseils de quartier. Pouvez-vous nous préciser vos missions et champs d’action ?
En tant que Conseillère d’arrondissement déléguée à l’Histoire de Paris, à la Seine, au suivi des plans climat, à la prospective et référente d’un conseil de quartier, j’ai un mandat à la fois ancré dans le passé, le présent et tourné vers l’avenir.
Sur le volet historique, dans une démarche résolument politique et engagée, nous nous sommes attelés à mettre en lumière celles et ceux que l’Histoire officielle oublie trop souvent. À ce titre, nous avons par exemple conçu quatre guides patrimoniaux consacrés à des femmes de Paris Centre dont les parcours, les luttes et les engagements ont marqué notre territoire.
Chacun de ces guides prend la forme d’une carte qui permet de (re)découvrir Paris Centre à travers une autre lecture de l’Histoire : celle des femmes qui l’ont façonné. Pensés pour tous les âges, ces parcours invitent petits et grands à arpenter la ville autrement, à questionner les récits dominants et à faire vivre une mémoire plus juste et plus inclusive de notre espace commun.
Concernant la climat et la prospective, nous avons coordonné la plus grande concertation locale dans le cadre de la révision du Plan Climat de Paris. Ce travail a été mené de manière transversale et inclusive : avec des ateliers organisés dans les conseils de quartier, des temps d’échange pour favoriser l’échange, et même des temps de sensibilisation et de réflexion avec les enfants, sur les temps scolaires et périscolaires.
Depuis son adoption, nous veillons à son application en multipliant les projets, de toutes tailles et visant des cibles très diverses. Nous sommes par exemple en train de finaliser un guide sur les dispositifs à la disposition des personnes à la rue en période de vagues de chaleur.
Nous organisons également de nombreuses réunions publiques autour des dispositifs concrets à la main des habitants, tels que la végétalisation des cours d’immeubles ou encore la rénovation thermique des bâtiments. L’objectif est de donner à chacun les moyens d’agir localement face aux enjeux climatiques.
Enfin, en tant que référente des conseils de quartier, je veille à maintenir un dialogue constant entre les habitants et la mairie. Nous organisons une réunion mensuelle avec mon conseil de quartier, ce qui nous permet de répondre aux questions et toutes les interrogations sur le secteur, de collecter les signalements et de faire émerger des projets très territorialisés, au plus près des réalités vécues.
Entre ces réunions, nous échangeons quotidiennement, ce qui permet une grande réactivité et une vraie continuité dans le lien avec les habitants. C’est un lieu fort de la démocratie locale, qui permet de construire ensemble, dans la proximité et l’écoute.
Ce mandat, je l’envisage comme un engagement au service d’un Paris Centre plus durable, plus participatif et plus attentif à son histoire, dans toute sa diversité.
Quelles passerelles co-existent entre Histoire, climat et prospective ?
Le lien entre l’Histoire, le climat et la prospective est non seulement fort, mais aussi essentiel. À Paris Centre, nous travaillons à faire coexister la préservation du patrimoine – au sens classique, historique – avec celle de notre patrimoine naturel et de la biodiversité. Ces deux dimensions sont profondément liées.
Un enjeu majeur, c’est de concilier protection du patrimoine et adaptation aux changements climatiques. Cela demande de l’inventivité, car notre territoire est soumis à des règles patrimoniales parmi les plus strictes de Paris : chaque projet est finement contrôlé pour ne pas altérer l’héritage architectural exceptionnel que nous portons.
Mais dans le même temps, les défis écologiques y sont particulièrement intenses : Paris Centre est très minéral, donc exposé aux îlots de chaleur ; il y a une forte concentration de cafés, bars et restaurants, ce qui génère beaucoup de pollutions, dues aux déplacements et aux déchets plastiques ; et la population y est globalement plus âgée, donc plus vulnérable aux épisodes climatiques extrêmes.
Malgré ces contraintes, nous réussissons à faire émerger des projets ambitieux.
Comment travaillez-vous avec les quartiers et habitants ?
Ma manière de travailler, c’est de n’oublier personne. Mon objectif est d’impliquer un maximum d’acteurs dans nos démarches, parce que la transition écologique, comme la vie de quartier, ne peuvent réussir que collectivement.
Nous travaillons avec les associations, avec les habitants, en leur partageant les dispositifs à leur main — végétalisation, rénovation thermique, compost, etc. — et en les accompagnant concrètement dans leur déploiement.
Nous travaillons avec les conseils de quartier, qui sont des relais essentiels de la démocratie locale. Nous organisons très prochainement une formation aux enjeux climatiques pour les conseillers, afin qu’ils puissent porter ces sujets dans leurs quartiers.
Nous travaillons aussi avec les enfants, en les mobilisant très tôt : lors de la concertation pour la révision du Plan Climat, dans des ateliers de sensibilisation, ou par des projets pédagogiques sur l’environnement.
Enfin, nous collaborons avec les commerçants et restaurateurs, comme dans le cadre du programme « Ici je choisis l’eau de Paris », qui permet de réduire les déchets plastiques en donnant aux usagers la possibilité de remplir leurs gourdes dans les cafés, bars et restaurants, très nombreux à Paris Centre.
C’est cette diversité d’acteurs, cette approche transversale, qui permet de construire des quartiers vivants, solidaires et résilients.
Quels sont les faits historiques marquants de Paris Centre ?
À Paris Centre, nous sommes très attachés à la mémoire et au devoir de ne pas oublier l’Histoire. Cet attachement se traduit dans nos actions au quotidien : toutes les commémorations ont par exemple lieu en semaine, afin que les classes de l’arrondissement puissent y participer activement. Nous considérons qu’il est essentiel de transmettre la mémoire aux jeunes générations, de façon vivante et incarnée.
Le Marais, notamment, porte une histoire très particulière liée à la Seconde Guerre mondiale. Ce passé, nous le faisons vivre en actes. Récemment, nous avons renommé quatre écoles de Paris Centre en hommage à des figures de la Résistance et de la mémoire de la Shoah :
• Une école du 3e arrondissement porte désormais le nom de Daniel Cordier, résistant et compagnon de Jean Moulin.
* Une école du 4e a été renommée en l’honneur de Raphaël Esrail, résistant, rescapé d’Auschwitz, et président de l’Union des déportés d’Auschwitz.
* Et dans le 1er arrondissement, une école porte désormais le nom de Suzanne Spaak, grande résistante, exécutée par les nazis pour avoir aidé des enfants juifs, Juste parmi les Nations.
* Dans le 2e arrondissement, nous avons nommé l’école de la rue Beauregard, l’école Marcelle Guillemot, Résistante, dirigeante de l’œuvre médico-sociale protestante « La Clairière », et Juste parmi les Nations.
Ces choix symboliques sont aussi des gestes pédagogiques. Ils rappellent que l’Histoire est vivante, qu’elle se transmet, et qu’elle continue de nous éclairer dans nos engagements présents.
Quelles sont aujourd’hui vos priorités ?
Mes priorités actuelles s’articulent autour des projets que nous menons et qui aboutissent.
Un des plus emblématiques est baignade dans la Seine, sur le bras Marie, ouverte depuis le 5 juillet 2025. C’est un projet majeur, à la fois d’adaptation face aux vagues de chaleur et profondément social : il permet de réinvestir le fleuve comme espace de vie, de détente, accessible à toutes et tous. C’est aussi un symbole fort de réappropriation de la Seine, après des années d’efforts pour améliorer la qualité de l’eau.
À côté de ces grands chantiers, nous développons aussi des projets plus modestes mais tout aussi essentiels au quotidien : le déploiement d’ombrières pour permettre aux habitants de se protéger lors des fortes chaleurs, ou encore un programme de sensibilisation aux enjeux climatiques dans les cours des écoles, pour faire de ces lieux des espaces plus frais, plus verts, et plus pédagogiques.
Mon fil conducteur reste le même : agir localement pour améliorer concrètement la vie des habitants, tout en préparant un avenir plus durable.





