Acteurs de proximité, s’il en est, les départements sont mobilisés autour de la vie quotidienne de leurs habitants et en particulier dans les secteurs de la solidarité, dont ils sont aujourd’hui les acteurs majeurs, l’action sociale en faveur des personnes vulnérables représentant en général près de la moitié de leur budget.
Pouvez-vous nous rappeler le rôle majeur des départements dans la prise en charge de la dépendance ?
Les départements sont en première ligne des solidarités humaines. Ils consacrent une grande part de leurs missions aux Français les plus vulnérables, notamment les personnes en situation de handicap et les personnes âgées, à travers les prestations relatives à la dépendance, au maintien à domicile et à l’hébergement (APA, ASH, PCH). Nous sommes donc au cœur des grands majeurs de société comme le vieillissement, dans un contexte financier complexe. À nos côtés, il faut saluer les personnels du secteur qui effectuent chaque jour un travail remarquable et sont extrêmement mobilisés au quotidien.
Quels sont leurs champs d’action ?
En matière de dépendance, c’est un travail sur mesure que le département conduit en fonction de chaque situation : il contribue d’abord à la solvabilité financière de chaque personne, avec la mise en place et le suivi de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). En attribuant l’APA, une évaluation des besoins est systématiquement réalisée, servant à la coordination des services et des professionnels (aides à domicile, aide-ménagère, travaux de logement, etc.). Enfin, le Département met en place des mesures de prévention et d’accompagnement adaptées, tant auprès des usagers eux-mêmes que pour leurs proches aidants dont la charge, très éprouvante au quotidien, n’est pas à sous-estimer.
Afin de garantir des services les plus équilibrés possibles sur le territoire, le département travaille aussi avec les partenaires concernés sur la planification de l’offre en établissement et à domicile : concrètement, la création ou la transformation d’une maison de retraite ou d’un service d’aide aux personnes âgées est suivie, et nous déterminons aussi sa tarification.
Ont-ils évolué ?
Les départements ont réinterrogé leurs pratiques et renforcé leur rôle en matière de prévention et d’accompagnement. Aujourd’hui, les entrées en EHPAD se font de plus en plus tardivement : l’âge moyen d’entrée est de 87 ans, et la grande majorité des personnes âgées souhaitent vivre chez elles, le plus longtemps possible. Cette évolution nécessite d’adapter nos politiques, notamment en faveur des aidants ou de l’habitat inclusif. On peut imaginer par exemple la création de haltes-répit, de plateformes d’entraide, de soutien psychologique pour soulager les aidants. Il faut aussi faciliter les innovations qui permettent le maintien à domicile, comme le numérique ou la domotique.
À quelles problématiques majeures sont-ils confrontés dans ce secteur ?
Face aux évolutions démographiques, il y a urgence à agir en faveur de l’autonomie des personnes âgées : la population trop âgée supplémentaire toutes les cinq minutes. Bien vieillir, c’est d’abord un grand défi de société qui nous concerne tous, auquel nous devons répondre collectivement, pour garantir un parcours simplifié et des services de meilleure qualité pour les personnes âgées et en perte d’autonomie. Nous devons aussi associer l’ensemble des acteurs pour mieux agir et mettre autour de la table l’État, la CNSA, les Départements, les Villes et les CCAS, qui connaissent vraiment les populations.
D’autre part, la carence de plus en plus criante de l’offre de soins, constatée sur l’ensemble du territoire et notamment dans les zones rurales, a des conséquences dramatiques pour les personnes âgées. Cette problématique-là, que relève de l’État, doit être résolue dans les meilleurs délais.
Enfin, pour les métiers de « la vie » comme l’aide à domicile, la question de l’attractivité est un sujet incontournable aujourd’hui. Nous observons quotidiennement des difficultés de recrutement dans ce secteur sous tension.
En quoi sont-ils parfois innovants ?
Pour faire face à ces défis, les départements ont largement prouvé leur capacité à innover. Partout en France, de nombreuses actions ont d’ores et déjà été initiées, comme les « bus de l’Autonomie » qui viennent à la rencontre des personnes les plus vulnérables, ou la mise en place de la télémédecine pour pallier aux conséquences de la désertification médicale.
Existe-t-il des disparités d’un territoire à l’autre ?
Les disparités territoriales peuvent exister concernant les niveaux de dépendance, les offres de service, notamment médicales. Dans cette situation complexe, les départements ajustent au mieux leurs dispositifs pour garantir l’égal accès au droit et à l’accompagnement des aînés, dans un contexte où la très grande majorité des personnes âgées privilégient le maintien à domicile.
Comment travaillent-ils avec les partenaires publics et privés ?
Des partenariats sont toujours possibles. Charge aux Départements de veiller à garantir une qualité de service sur l’ensemble du territoire et accessible à tous.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
J’ai demandé au ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées Jean-Christophe Combe, que les départements soient désormais associés à toutes les décisions qui les concernent, notamment sur les politiques d’autonomie. Je vais même plus loin : il faut faire du département le pilote d’un grand service public de l’autonomie, avec une responsabilité pleine et entière sur la question. Face aux enjeux du vieillissement, il manque un chef de filât qui puisse apporter une réponse à 360°, en mettant autour de la table tous les professionnels concernés. Par exemple, les départements fixent le prix de journée en établissements, certains financent aussi l’investissement, mais ils n’ont aucun pouvoir d’injonction ni de nomination sur les directeurs d’EHPAD ! Pendant la pandémie, des établissements ne nous donnaient même pas le nombre de décès dans leurs structures…
D’autre part, la question du financement est centrale. Les dépenses des Départements en faveur des personnes âgées dépendantes progressent rapidement, mais les ressources versées aux Départements pour compenser cette charge ne suivent pas cette progression… C’est pour cela qu’un comité des financeurs s’est réuni le mois d’octobre, pour assurer un suivi des engagements de la loi de finances, et que les départements ont mené une réflexion de long terme sur le sujet.
Enfin, dans le cadre du travail que nous menons avec la Première Ministre – « l’Agenda territorial » – quatre axes ont été inscrits sur le sujet de la dépendance : investir dans la prévention de la perte d’autonomie ; simplifier les parcours et mieux coordonner les acteurs ; permettre le plus possible le maintien à domicile ; améliorer la qualité de la prise en charge et les contrôles des établissements.






