Emmanuel Macron : Stratégie nationale décennale de lutte contre les cancers «La France, main dans la main avec l’Europe, ne cède rien de son ambition pour faire reculer le cancer.»

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Emmanuel Macron, Président de la République

Mesdames et Messieurs,

La nouvelle stratégie nationale de lutte contre le cancer est toujours un moment important pour notre Nation, moment au cours duquel chercheurs, soignants, responsables associatifs, décideurs publics, malades et anciens malades, se rassemblent, comme un symbole de notre mobilisation pour faire reculer cette maladie.

C’est en effet une stratégie d’une grande ambition que nous lançons ce jour et qui est le fruit de votre engagement collectif.

Cette stratégie est ambitieuse. Ambitieuse d’abord, par sa durée. Pour la première fois, c’est un projet non pas à 5 ans mais à 10 ans qui a été élaboré par l’Institut National du Cancer, dont je salue le Président, Norbert IFRAH. 10 ans, cela change tout : c’est de la visibilité pour tous les acteurs, des pas plus que l’on permet, et cela la promesse de davantage d’innovations de rupture, de plus de transformations en profondeur.

Ambitieuse, cette stratégie l’est aussi par son financement. 1,7 milliard d’euros mobilisés sur les 5 ans à venir. C’est 20% de plus qu’entre 2016 et 2021.

Ambitieuse, cette stratégie l’est encore par les objectifs poursuivis.

Passer en une décennie de 150 000 nouveaux cas évitables par an à moins de 100 000. Faire reculer la mortalité des 7 cancers les plus létaux.

Mieux accompagner les personnes avec cancers et des traitements sur la qualité de vie avant, pendant et après la maladie, à chaque âge et dans les territoires dans lesquels cinq millions de nos concitoyens vivent après un diagnostic de cancer.

Derrière ces chiffres qui sont souvent froids, impersonnels, ce sont des vies. Des défis humains, des épreuves et des engagements. L’enjeu, c’est la vie. L’enjeu, c’est aussi la justice sociale, car le cancer est d’abord une inégalité. Une inégalité face à l’âge, au territoire, au niveau de vie. C’est pourquoi notre ambition est d’atteindre les objectifs que nous venons de fixer, en concentrant nos efforts sur les cancers les plus fréquents, les plus graves et ceux qui touchent le plus les personnes les plus vulnérables.

J’y reviendrai autour de trois grandes priorités.

1) D’abord, prévenir mieux.

La prévention, c’est la clé. C’est la clé d’une stratégie de long terme et sur le temps long, celui de la décennie.

Ce qui a déjà été fait grâce aux plans et politiques que nous avons engagés depuis le début du siècle montre la voie. La loi Évin et l’interdiction de la publicité pour le tabac et l’alcool, les taxes sur le tabac, la mise en place du paquet neutre, la fiscalité sur les boissons sucrées. Et les résultats, il faut bien le dire, du modèle français. Nous fumons moins, nous buvons moins et mieux qu’ailleurs. Nous consommons surtout moins d’alcool chez les jeunes et nous vivons plus vieux. Au premier semestre de chaque année, 40 000 vies sont sauvées par cette seule vertu. Si nous parvenons encore à soigner le cancer, il faut faire en sorte qu’il ne se déclenche pas.

Les différents plans qui se sont succédés ont permis d’avancer dans de nombreux domaines : la consommation de tabac et d’alcool, l’alimentation, l’activité physique et sportive. Notre but aujourd’hui est de consolider ces acquis et de changer d’échelle.

Le tabac est, en effet, à l’origine de 70 000 nouveaux cas de cancer chaque année. 70 000. C’est presque la moitié des décès évitables. Le tabac tue. Il détruit des vies. On ne le dit jamais assez. Je souhaite que la génération qui aura 20 ans en 2030 soit la première génération sans tabac de l’Histoire récente.

Pour ce faire, tous les leviers de dissuasion seront actionnés : le prix, nous avons déjà largement commencé et nous continuerons, l’extension des espaces sans tabac, les campagnes d’information sur sa toxicité pour les êtres mais aussi pour la planète, un meilleur accompagnement de ceux qui arrêtent de fumer comme de ceux qui les y aident.

C’est une mobilisation de toute la société que nous engageons. Une mobilisation qui doit commencer, je dirais encore davantage, dès l’école, en nous inspirant des plus grandes réussites à l’international.

L’alcool est un autre facteur de risque, à l’origine d’un cinquième des cancers évitables. Alors, certes, l’alcool, les alcools en particulier produits en France, font partie de nos traditions, appartiennent à notre art de vivre, notre sociabilité.

Il ne s’agit pas d’aller vers le zéro alcool mais bien de prévenir les excès et de mieux aider ceux qui sont dans une forme de dépendance, en sortir. Et là aussi le mal ne faut pas tout confondre. Il faut affronter avec beaucoup de volontarisme la situation que nous connaissons aujourd’hui et qui reste critique.

À l’image de ce que nous avons fait pour les aliments, nous commençons des repères à la fois plus visibles et plus lisibles aux Français sur le front alcool. Nous devons tout faire pour réduire le nombre de jeunes déjà dépendants de l’alcool, réduisent leur consommation et là aussi pour mieux prévenir, informer, accompagner.

Contre ces deux principales causes de cancers évitables, nos actions cibleront particulièrement les jeunes pour que les bonnes habitudes se prennent les plus tôt possible et qu’elles perdurent. Car, sur le long terme, ces comportements détermineront le niveau d’inégalités de santé et de richesses de la société dans laquelle nous vivons et que nous arrivons à faire dans notre jeunesse a un impact sur les parents, bien souvent.

Enfin, lutter contre le cancer, c’est inciter chacun à aller vers une meilleure hygiène de vie.

C’est l’alimentation, à ce titre, le développement du Nutriscore. Toutes les initiatives que nous soutenons en ce genre de repère pour manger mieux, pour manger sainement, pour avoir une agriculture durable et de qualité, font totalement cohérence avec cette stratégie.

C’est, ce sujet, ce sont aussi l’air que nous respirons. La qualité de vie, c’est aussi l’air que nous respirons. Aussi, nous instaurons dans nos villes des « Zones à Faibles Émissions ». C’est bon pour la planète mais c’est aussi bon pour la santé. En effet, la politique environnementale est en même temps une politique de santé publique.

En 2021, la France compte au moins 7 nouvelles zones de ce type et c’est une action que je veux renforcer dans ces zones métropolitaines comme dans certaines de nos vallées qui seront extraordinairement polluées et qui affectent la santé de nombre de nos concitoyens.

Il faut poursuivre cette stratégie et dans le même temps, un pari à plus court : c’est le développement du dépistage qui doit être à la fois accessible à tous et le plus possible précocité. Car plus les cancers sont détectés à des stades précoces, plus leur guérison est forte, le risque de séquelles faibles.

L’action menée depuis vingt ans a permis de grands avancées. En France, 9 millions de personnes font dépister chaque année. Mais, le compte n’y est pas encore. Par exemple, 7 personnes sur 10 ne se font pas dépister pour le cancer du côlon et 50% de ces cancers auraient été évités s’ils sont détectés à un stade précoce.

Il faut donc redoubler d’efforts, il faut sensibiliser, lever les freins au dépistage, comme les associations le savent, simplifier aussi les actes. Je veux que, dans les années à venir, nous atteignons au moins 1 million de dépistages supplémentaires.

Ces dépistages sont une part essentielle de la stratégie proposée par l’INCa. Comme je l’ai dit, c’est la stratégie de la décennie. Nous devons simplifier nos procédures et étendre les actions pour aller jusqu’aux plus lointains et procéder à des dépistages supplémentaires.

Il nous faut aussi voir loin, inventer les dépistages de demain en mobilisant tous les progrès de la recherche et des innovations technologiques, que ce soit en intelligence artificielle et le digital.

Plusieurs innovations sont en cours qui permettront de mieux cibler, au niveau du risque individuel et des innovations pour aller chercher des cancers plus précocement, et donc nous améliorer dans le dépistage.

C’est en pensant à ce que, d’ici quelques années, nous ayons développé pour le cancer du poumon des campagnes au moins aussi importantes que celles qui ont pu être conduites pour le cancer du sein. Alors, nous aurons défriché une nouvelle frontière.

3) Troisième axe de notre stratégie enfin : mieux accompagner les patients. Pendant la maladie. Et après.

Les traitements ont déjà beaucoup progressé. Mais les vraies révolutions sont devant nous. Elles se nomment biothérapie, immunothérapie, des domaines dans lesquels la France est en pointe, des domaines aussi où nous pouvons continuer à nous améliorer, renforcer nos innovations, nos financements, simplifier nos procédures en les accélérant.

Elles se nomment aussi génomique moléculaire et, là, aussi, nous sommes pionniers. Tout cela fait vivre l’espoir de traitements plus personnalisés, moins lourds en séquelles, plus humains.

C’est pourquoi nous investirons massivement dans ces domaines pour gagner un temps d’avance, pour aussi demeurer lucide sur notre situation. 50% du budget global de la stratégie décennale est ainsi consacré à votre recherche, fondamentalement comme clinique.

Ce sont des investissements, des équipes à encourager et consolider, la capacité à former les meilleurs talents et les garder, la capacité à développer des stratégies nationales sur chacun des axes que je viens d’évoquer et j’aurai l’occasion de le faire dans les semaines qui viennent en complément de cette stratégie et de ce plan décennal.

C’est aussi savoir donner de la visibilité sur les prix quand nous innovons ici en France, il faut bien le dire, n’a pas toujours été bonne sur ce sujet. Et c’est simplifier et accélérer toutes nos procédures. Nous sommes encore trop lents, trop lents. Et, il faut le dire, des lenteurs, pas toujours justifiées, sont des freins à l’innovation.

Pour les cancers les plus graves, le risque le plus grand est au fond de ne pas en prendre. C’est pourquoi nous travaillerons à cette accélération que je viens d’évoquer : accélération de la mise sur le marché des thérapies géniques, avec des procédures simplifiées.

Le sujet des séquelles du cancer a longtemps été un angle mort et il doit devenir une priorité de notre stratégie nationale. Que l’on soit jeune, âgé, parent ou enfant, le cancer laisse des traces, visibles et invisibles. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité que la lutte contre les séquelles soit un volet à part entière de la stratégie nationale, en y ayant la mobilisation de tous les professionnels, de tous les acteurs, pour la réinsertion des jeunes et des moins jeunes, l’accompagnement des familles.

Dans les cancers de l’enfant, en oncologie pédiatrique comme ailleurs, les équipes font des miracles. Faut-il encore leur donner les moyens d’aller plus loin et d’ouvrir des champs d’exploration thérapeutiques aujourd’hui inaccessibles. La recherche pédiatrique doit être un pilier majeur de cette stratégie. C’est pourquoi nous allons réinvestir et relancer la recherche pédiatrique sur les cancers et les maladies rares. Les séquelles, c’est aussi un sujet sur lequel nous devons travailler. En oncologie pédiatrique, c’est un sujet de vigilance et de thérapies.

Alors à ce titre, la France a parfois été première, avec par exemple l’immunothérapie, mais elle doit le demeurer et le devenir aussi sur ces sujets, grâce à vous, grâce à la vigilance et au niveau d’exigence auquel je veux nous avancer et inspirer d’autres pays.

Il faut aujourd’hui aller plus loin. 20% des personnes ayant quitté leur emploi du fait de leur cancer, ne l’ont pas retrouvé cinq ans après le diagnostic. Avec le secteur privé, nous changerons cela. Pour ne pas laisser s’ajouter de l’injustice à l’injustice.

Tous ces objectifs évidemment placent la barre haut. Mais nous pouvons les atteindre nous sommes pas seuls. Si elle est une cause nationale, la lutte contre le cancer est aussi un combat européen, affirmé hier avec force à travers les annonces du plan de l’Union : la création d’une Europe de la connaissance sur le cancer et d’un réseau des centres de soins, le lancement d’une initiative sur l’imagerie médicale de dépistage et de diagnostic, le soutien aux États pour la vaccination contre les cancers du col de l’utérus et du papillomavirus, mais aussi pour le développement des thérapies géniques.

Au fond, un mot d’ordre a été donné : « unir nos forces pour progresser ». À 27 on peut faire mieux, plus vite. Nous sommes en train de le vivre et de le démontrer dans la lutte contre l’épidémie.

C’est ce que nous devons faire, dans cette lutte contre les cancers. Voilà, Mesdames et Messieurs, malgré la pandémie, la France, main dans la main avec l’Europe, ne cède rien de son ambition pour faire reculer le cancer.

Elle ne cédera rien, en particulier, de son action pour faire reculer le cancer des enfants. 1 700 nouveaux cas sont déclarés chaque année. 1700. Alors certes 80% guérissent. Mais c’est toujours trop. Surtout, nous devons mieux accompagner les patients pour leur permettre de suivre leurs études, de préparer des études, et de garder cette part aussi d’insouciance qui appartient à leur âge et qui doit être préservée même lorsque la fatalité frappe.

Accompagner leurs familles aussi. Sur chacun de ces combats qui font votre quotidien et qui touchent tant de vies, vous m’aurez toujours à vos côtés.

Mesdames et Messieurs,

Soyons fiers d’être un pays où être soigné de ce terrible mal est aujourd’hui même quand les traitements sont coûteux.

Fiers d’être un pays qui investit dans la recherche, qui assume cet humanisme qui a forgé notre histoire et qui nous est essentiel quel que soit le tragédie des temps.

Alors je veux vous remercier. Vous remercier toutes et tous. Par ce que vous le croyez en la science, au progrès. À ces progrès qui nous font avancer, mieux soigner, et parfois guérir. À ces équipes médicales et d’amitiés, de nos malades et soignants et ses connaissances.

Nous pouvons ensemble remporter ce combat. Tant a été fait durant les dernières années, nous pouvons faire beaucoup plus avec ce plan décennal encore. Et c’est bien ce que je compte faire avec vous, grâce à vous.

Merci beaucoup.

Discours du Président de la République sur la stratégie nationale décennale de lutte contre les cancers – 4 Février 2021