Chute du dépistage du cancer du sein en France : l’inégalité territoriale

Entretien avec

les Docteures Ghislaine Cerdan Bertin et Corinne Henriques, Médecins radiologues, Centre de Bergerac

Alors même qu’1 femme sur 8 sera touchée par un cancer du sein, cancer le plus fréquent chez la femme, la France se heurte à la chute du dépistage, conséquence directe de l’inégalité territoriale croissante dans l’accès aux soins pour une partie de la population française. En Dordogne, en deçà des urgences diagnostiques en mammographie, prises en charge dans la semaine, le délai d’accès à la mammographie de dépistage dépasse les 4 mois.

Quelle est votre appréciation de la dynamique de dépistage ?

Tout d’abord, il convient de rappeler l’importance du dépistage. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent pour les femmes en France et représente près d’un tiers des cancers de la femme. 1 femme sur 8 sera touchée par le cancer du sein et son dépistage le plus fréquemment chez la femme. Le dépistage du sein unique jour pour toutes les femmes. En 2023, plus de 61 000 nouveaux cancers ont été détectés.

La mammographie est un moyen efficace pour détecter un cancer à un stade tumoral moindre. Sur un cancer est détecté à temps, les chances de survie à cinq ans sont de 99 %.

À partir de 50 ans le dépistage est recommandé tous les 2 ans car il s’agit de l’âge où le risque de développer un cancer augmente significativement. Les femmes plus jeunes, aussi pour des pathologies à hautes particularités ou antécédents familiaux de cancer familial. Le dépistage n’est pas obligatoire mais fortement encouragé par l’État car la détection précoce augmente très nettement les chances de rémission et réduit drastiquement les traitements contre le cancer.

En France, nous avons un programme de dépistage organisé de qualité, avec chaque mammographie, dite négative est revue par une deuxième lecture.

Le dépistage diminue depuis plusieurs années en France avec des chutes inquiétantes sur plusieurs départements. Cette chute s’explique par la dichotomie entre la croissance de la demande et l’augmentation vieillissement de la population, une capacité de sensibilisation notamment lors d’Octobre Rose) et de la diminution du temps radiologique et donc du nombre d’examens sur de nombreux territoires.

La chute du dépistage est une conséquence de l’inégalité territoriale croissante dans l’accès aux soins pour une partie de la population française.

Quelle est votre appréciation de la dynamique de dépistage en Dordogne ?

La Dordogne est un vaste département. Plusieurs centres ont fermé ces dernières années et l’offre de dépistage se concentre sur les principales agglomérations (Périgueux, Ribérac, Sarlat), et ceux du réseau France Imageries notamment notre plateau lourd de Bergerac et le centre de proximité de Montpon Ménestérol.

Notre délai d’accès à la mammographie de dépistage dépasse 4 mois. Nous consacrons bien sûr des créneaux pour la prise en charge des urgences.

Nous étions atteints jusqu’à six mois après la crise sanitaire liée à la pandémie. Nous avons réussi à réduire, avec difficulté, ce délai. En effet, le dépistage du cancer du sein nécessite la présence d’un radiologue en examen, donc un examen impliquant de l’imagerie à rayons X et une interprétation clinique. Le nombre de radiologues à Bergerac n’est pas proportionnel à la population nécessitant cet examen.

Les patientes se heurtent alors à cela, certaines patientes vont dans le département voisin jusqu’à l’agglomération de Bordeaux où l’accès à la mammographie peut être planifiée avec un délai bien plus court.

Cette augmentation des délais d’accès et l’inégalité territoriale est une réalité. Aujourd’hui l’agglomération de Bordeaux permet de rattraper ce manque.

Nous faisons face à des difficultés liées à l’inégalité territoriale sur le territoire, avec des départs à la retraite non remplacés et des jeunes radiologues qui ne s’installent plus sur des zones dites « sous-dotées » en offre de soins, que ce soit en radiologie, en médecine générale ou dans d’autres spécialités.

Déstabilisé, le dépistage, c’est à termes fragiliser l’organisation de la médecine de soin et du cancer sur les territoires.

Extrait de La Voix du Parlement – Dossier FRANCE IMAGERIE TERRITOIRES