« Le paralympisme, comme les sportifs de haut niveau paralympiques sont la pièce maîtresse d’un tout. Il est important de parler du handicap sous l’angle positif du dépassement de soi, mais dans les faits, c’est le cas de tous les sportifs de haut niveau. Le paralympisme, c’est le sport de l’excellence, la performance avant le handicap au point qu’il l’efface. »
Pouvez-vous nous raconter votre brillant parcours olympique ?
J’ai commencé le sport à 8 ans, à l’âge de 6 ans et c’est très rapidement devenu une passion dans laquelle je trouvais à la fois la possibilité de repousser mes limites mais aussi de lien avec le collectif et le monde social.
Cependant jusqu’à l’âge de 15 ans, ma vocation n’était pas de devenir athlète de haut niveau mais simplement de pratiquer pour le plaisir. À 15 ans, j’ai eu un accident de scooter qui a conduit à une amputation, tournant dans ma vie et dans cet état d’esprit.
Ce qui a été le moteur de ma résilience, ma reconstruction, c’est mon environnement familial et médical mais aussi le sport qui m’a permis de retrouver confiance en moi, un rôle dans la société, une identité et une ambition nouvelle. Le sport a été le point de départ d’une reconstruction qui s’est transformée en projet de vie.
En 2006, les Jeux paralympiques ont fait naître chez moi une immense prise de conscience. Voir ces athlètes évoluer au plus haut niveau m’a profondément marquée et inspirée. Les performances de plus haut niveau paralympique ont montré tout ce que le sport permet de réaliser. À partir de ce moment, j’ai voulu en faire partie et consacrer ma vie à ce projet, en allant chercher les médailles, comme des défis que je remportais avec moi-même et la vie.
Il est évident que ce parcours n’aurait pas été le même si je n’avais pas été entourée des bonnes personnes. J’ai eu et j’ai encore la chance d’avoir été entourée dès les premières heures du long chemin de la reconstruction encouragée par mes parents, mais aussi de trouver le bon club, le bon entraîneur et de bénéficier du matériel déjà adapté.
Précisément, comment êtes-vous revenue au sport après l’accident ?
Je suis revenue très vite, dès les centres de rééducation. Les kinésithérapeutes m’ont très rapidement mise dans l’eau, puis le vélo, puis la course. J’ai réappris à me réapproprier mon corps. Mon coach Cyrille Villain, aujourd’hui préparateur professionnel, m’a beaucoup guidée.
J’ai recommencé à courir avec les appareillages sportifs autour de la piste. L’engagement du corps pour passer d’un état de choc à un renouveau, c’est une vraie formation, une école de vie. Vous vous dites que vous n’êtes pas moins bonne, moins performante, mais que vous vivez une nouvelle forme de motricité et que vous êtes capable d’exister autrement.
Une grande partie de la rééducation s’est faite par le sport, qui est l’un des outils les plus importants dans la mise en avant de l’adaptation et est l’une des clés de la résilience. Il m’a été révélateur, m’a permis de poursuivre ma vie dans un symbole corps et esprit.
Tous les éléments sont-ils réunis aujourd’hui pour une pratique du sport inclusive, qui permette aux personnes en situation de handicap d’y avoir accès ?
L’accès à la pratique du sport en général est plus complexe lorsque l’on est en situation de handicap, non pas parce que l’on n’est pas capable de le faire, mais parce que l’environnement n’est pas encore en mesure d’intégrer au même point chaque pratiquant et de réunir pour que l’on puisse le faire, même si les choses sont en train d’évoluer.
Comme je l’ai souligné, pour ce qui me concerne, il y a eu une véritable mobilisation autour de moi. J’ai bénéficié d’un incroyable élan humain, d’amour, de fraternité, d’amitié, que ce soit du point de vue familial, amical mais aussi éducatif.
En effet, lorsque j’ai commencé à devenir coopérante avec mon handicap, j’ai aussi eu la chance d’avoir à mes côtés des professeurs mobilisés, pour lesquels il n’était pas question de dénigrement du sport mais de son adaptation, c’est ce qui n’est pas toujours le cas.
En effet, il est aujourd’hui encore nous sommes nombreuses à militer, à plaider en faveur de l’égalité des droits et ateliers relais par la pratique inclusive du sport à l’école, dès l’enfance. Cependant il y a encore de nombreuses possibilités grâce à des dispositifs d’accompagnement sur tous les plans qu’il existe une situation de handicap, on devient plus inclusif.
Certes, cela requiert un monitoring, un accompagnement. Il y a encore un vrai travail de terrain à réaliser en amont, car encore trop peu d’acteurs ont les moyens à la mesure des enjeux, dans une vision à long terme.
Il me semble pertinent qu’il puisse y avoir un rapport ou une mission sur le sujet sportif et de l’inspiration d’Éducation Nationale afin d’accélérer la refonte de l’inclusion grâce à la valorisation du sport. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sont un moment clé de bascule.
La couverture paralympique et handisport doit encore évoluer pour plus de visibilité, de lisibilité et de moyens. L’effort de représentation est crucial, il faut donner à voir l’ensemble des athlètes, leurs histoires et leur diversité.
En effet, on le sait, l’un des obstacles reste encore la question financière et matérielle. Le coût du matériel sportif, notamment les prothèses, reste très élevé, bien au-delà de ce que peuvent se permettre de nombreuses familles. Pourtant, il est essentiel d’investir pour permettre à chacun, quel que soit son handicap, de pouvoir pratiquer une activité sportive.
En effet, on peut quasiment proposer une pratique sportive à toutes les formes de handicap, certaines ne se prêtant pas à toutes les disciplines.
Cependant, il y a la systématisation de toute pratique sportive est plus facile lorsque le handicap est léger et que l’enfant et l’adolescent est entouré, suivi déjà à la pratique sportive, comme c’était mon cas. Il faut insister sur le fait que chaque individu peut trouver une discipline adaptée à sa situation.
De la même façon, il est des contraintes matérielles et financières qui peuvent freiner la diversité des publics dans la pratique du sport, lorsque l’on est en situation de handicap. Le matériel a un coût que peu de familles peuvent assumer.
Pour ma part, ma première prothèse de compétition d’un montant de 10 000 euros a été financée grâce à la mobilisation des Jeunes Sapeurs Pompiers qui ont porté l’action « un t-shirt pour Marie-Amélie » pour me soutenir. Tout le monde n’a pas cette chance et cet « appareil » n’a aucun prix tant par les valeurs humaines qu’il apporte. L’univers des appareillages est celui de la « clé », il est d’ailleurs jamais vraiment cessé d’y appartenir, entre mon entraîneur et mon mari, puis, qui lui aussi est membre de cette extraordinaire communauté.
Aujourd’hui, lorsque l’on se lance dans l’aventure paralympique et du sport de haut niveau, les sponsors sont là et on bénéficie d’un réel soutien pour la pratique. Lorsqu’il s’agit de pratique de loisir, c’est encore beaucoup plus complexe, même avec les bienfaits et l’importance de l’activité physique sur ces nombreuses personnes en situation de handicap ou pas.
Il n’y a pas de problème, ou tout du moins beaucoup moins pour ceux qui s’engagent dans un football motorisé ou la vie du quotidien, cela s’avère beaucoup plus problématique lorsqu’il est question de matériel plus spécifique ou prothétique. Nous sommes mobilisés sur ces obstacles à lever, car c’est grâce à ce soutien que la société pourra être accessible à toutes et tous, quels que soient nos corps et nos situations.
Aujourd’hui encore, les personnes en situation de handicap sont toujours confrontées à des obstacles liés à la scolarité, l’emploi, la pratique sportive, des situations encore inégales. 18,5 % sont des enfants.
Il restera de faire évoluer cette situation, non seulement par l’inclusion mais par la diversité des actions concrètes en matière de sensibilisation. J’ajouterai qu’il est tout à fait possible dans ce cadre de s’appuyer sur le monde du travail, du modèle économique comme l’Économie Sociale et Solidaire.
Ce constat est aussi vrai dans le cadre du sport en entreprise. Les freins doivent se muer en leviers, plus encore lorsque l’on sait à quel point le sport porte en lui des enjeux sociétaux forts. S’il permet une renaissance pour certains d’entre nous, il est aussi un incroyable relais de proximité dans les territoires, que viennent mailler pas moins de 180 000 clubs.

Le parcours d’un sportif de haut niveau est-il différent selon qu’il s’agisse de paralympisme ou de l’olympisme ?
En une décennie, des évolutions incroyables ont eu lieu. Aujourd’hui, le paralympisme n’est plus considéré comme du sport de haut niveau de seconde zone.
Pour la première fois d’ailleurs, ces JOP 2024 portent les couleurs d’une équipe de France unique, qui allient sportifs olympiques et paralympiques, sans distinction aucune.
À cet égard, en tant que chef de mission des XVèmes Jeux Paralympiques à Londres en 2012, tout récemment révolutionné le regard sur le paralympisme, en créant une véritable émulation autour d’eux, qui n’avait jamais été égalée.
Ils ont clairement été le point d’orgue de la naissance d’un nouveau modèle, porté à la fois par des médias mobilisés comme ils ne l’avaient jamais été précédemment et par un public extraordinaire qui s’est inscrit dans ce nouvel élan. Les JOP 2024 s’inscrivent pleinement dans cet héritage sociétal et ouvrent encore plus grand les portes du sport pour toutes et tous.
Quelle vision du paralympisme portez-vous ?
Le paralympisme, comme les sportifs de haut niveau paralympiques sont la pièce maîtresse d’un tout. Il est important de parler du handicap sous l’angle positif du dépassement de soi, mais dans les faits, c’est le cas de tous les sportifs de haut niveau.
Le paralympisme, c’est le sport de l’excellence, la performance avant le handicap au point qu’il l’efface. On retrouve cela dans toutes les disciplines, qu’il s’agisse de natation, d’athlétisme ou de cyclisme. Ce sont toutes ces valeurs de respect, d’engagement et de dépassement de soi que partagent tous les sportifs, valides ou non, handicapés ou non. La compétition, les capacités, ne relèvent que de la performance de l’individu.
Ainsi, le monde du paralympisme est aussi une école de vie, d’humanité, de persévérance et de résilience. Les parcours de ces athlètes sont des exemples et des sources d’inspiration pour beaucoup. C’est un levier d’égalité et d’inclusion pour toute la société.
Les Jeux Paralympiques permettent-ils selon vous de créer une société plus inclusive ?
Il est évident qu’ils ont et continuent de faire bouger les lignes. Les Jeux Paralympiques en sont la vitrine la plus éclatante. Ils montrent la diversité de tous les possibles et notamment du développement de la mixité.
Ils témoignent que le sport est un levier fort parmi d’autres. Lorsque l’on donne les moyens aux jeunes, qu’ils soient valides ou non, de pratiquer une activité physique adaptée, on contribue à transformer les regards, à gommer les différences, et à faire du handicap un atout.
Nous sommes tous à un moment de notre histoire, à la fois spectateurs et acteurs du changement. Je reste convaincue que les Jeux de Paris 2024 seront, au-delà des plus belles compétitions de tous les temps, des moments de fierté, mais plus simplement des instants charnières que la nation doit saisir comme un élément sur une piste d’efficience.
Chacun a son propre parcours de vie, ses priorités qui le guident, lui donnent un sens. Chaque situation de handicap est vécue différemment.
C’est souvent une immersion, un voyage au fond de soi dans lequel on part à la découverte de toutes ses possibilités et difficultés. Le sport en est un outil, qu’il soit de haut niveau, une activité physique de loisir ou stimulation motrice.
On ne sépare jamais assez, le sport est l’expression du corps et on s’adapte à lui de la même façon qu’il s’adapte à nous. Même lorsque vous êtes touché humainement, le handicap, il y a toujours une stimulation ou une activité motrice, à l’image du cerveau et de la substance qui vous permettra de vous épanouir.
Les Jeux Paralympiques portent en eux ce message. Tout un chacun peut trouver sa voie, la voie de son développement personnel, que l’on soit né avec un handicap ou qu’il soit survenu en cours de route, l’important est que le sport est une valeur sûre, sur les relais espoirs qui redonnent corps trop souvent aux personnes qui se replient, s’enfermant dans leur corps. Il s’apprend à s’ouvrir, à redécouvrir les possibilités. Quelles qu’elles soient, elles existent.
Qu’en est-il de cette édition en particulier ?
Nous avons cette année une équipe de France unie, qui partage les mêmes valeurs, la passion du sport, avec la fierté, l’ambition, la volonté de faire vibrer tous les français et l’ensemble du public avec elle.
Ces Jeux 2024 sont pour nous toutes et tous une immense fête qui célèbre le sport. Ils sont un moment de retrouvailles, de partage fort, exceptionnel, plus encore parce qu’ils se déroulent en France et portent en eux un supplément d’âme par l’équipe et les organisés.
Déjà, de cette édition sont nées nombre d’évolutions. Il est accéléré des processus et des dispositifs parfois en souffrance. Je pense à l’accessibilité, qui s’est inscrite dans une nouvelle dynamique.
Par bien des ouvertures, c’est une accessibilité universelle pour les participants, les parties prenantes, les spectateurs, qui est devenue une réalité concrète, harmonieuse. Peu à peu, il est des réseaux qui rassemblent tous les secteurs, de la culture en passant par l’univers du BTP ou des transports.
À cet égard, les projets portés par Solideo quant à la construction ou la réhabilitation des infrastructures à l’Art métropolitaine, marquent à jamais une avancée des accès divers et complexes en faveur du handicap, universels qu’on n’imaginait être aussi ambitieux et largement inclusifs.
Lorsque je dis que tous les secteurs sont concernés, je pense aux avancées sociales et éducatives en faveur des personnes en situation de handicap. Le succès déjà fait de la billetterie solidaire 2024/2025, ce sont plus de 3000 clubs qui réintègrent dans leur réseau direct un lien avec le grand public.
Rien n’est parfait, il reste du chemin à parcourir, mais le souffle est là. Le sport inclusif et le projet paralympique est une victoire des valeurs humaines et universelles. C’est à travers cette énergie, ce partage et ce lien que se bâtit un socle de fraternité, de confiance et de résilience pour toutes et tous, quelles que soient les différences, leur permettant de se réaliser pleinement quels qu’ils soient, où qu’ils soient.






