C’est le cancer le plus meurtrier pour les femmes. En 2023, 61 214 nouveaux cas de cancer du sein ont été dépistés, et plus de 12 000 femmes y ont succombé. Il est en constante augmentation, en partie du fait du vieillissement de la population.
Selon la Direction Générale de la Santé Publique, les stratégies de dépistage ont permis de détecter deux fois plus de cancers depuis leur introduction.
Encourageant ? Oui, mais insuffisant tant la marge de progression est importante. Avec une population éligible de plus de 11 millions de femmes âgées de 50 à 74 ans, les taux d’observance et de couverture du programme national de dépistage sont toujours très inférieurs aux niveaux espérés. En 2022, le taux de conformité, c’est-à-dire la proportion de femmes éligibles qui se sont faites dépister, était de 47,7 %, selon l’Institut National du Cancer.
Malgré ce faible taux de conformité, le taux de survie à cinq ans n’a cessé d’augmenter pour atteindre 88 %, avec une diminution correspondante des décès liés au cancer du sein de 1,6 % par an. Il y a donc urgence à toucher le maximum de femmes.
Dans ce combat, l’intelligence artificielle (IA) se révélera être un allié décisif.
D’abord pour atténuer le coût financier des campagnes nationales. En effet, dans le cadre du programme de dépistage actuel, l’acquisition et la première lecture étant à elles seules le poste de surcoût au dépistage, avec une dépense annuelle supplémentaire estimée à au moins 18 millions d’euros pour la deuxième lecture au CRCDC (Centre Régional de Coordination de Dépistage des Cancers).
Ensuite, pour pallier le manque de radiologue. À l’heure actuelle, en France, il manque 20 % de médecins pour obtenir la couverture optimale de l’ensemble du territoire.
Ces difficultés de recrutement concernent tout particulièrement les radiologues, mais s’étendent à l’ensemble des professions de santé.
Ceci s’explique principalement par la difficulté à trouver des seconds lecteurs formés, en raison d’une pénurie de jeunes radiologues. L’IA permettrait de soulager les radiologues de la charge de double lecture en assistant les interprétations (détection des anomalies suspectes par exemple).
De plus en plus d’études de référence, mondiales et nationales, menées depuis maintenant, démontrent les avantages opérationnels de l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les programmes de dépistage du cancer du sein.
L’essai MAIA réalisé en Suède, bien connu des spécialistes, démontre une amélioration significative de 28 % des taux de détection du cancer du sein et une réduction remarquable de 44 % du taux de faux positifs dans les programmes de l’utilisation de l’IA.
En France, une étude comme celle menée en Île-de-France par le Groupement des radiologues du Nord, démontre à la charge de travail des radiologues de la région Rhône-Alpes-Auvergne, et sur les analyses préliminaires d’une étude en cours par le Tourasse Imaging Center, que l’IA permet de repérer les cancers difficiles à identifier, soit une proportion de 60 % des cancers de l’intervalle en moyenne.
Les estimations indiquent que 60 % des cas de deuxième lecture pourraient être détectés par les algorithmes sans manquer aucun cancer, et près de 80 % des radiologues signalent un risque très faible avec un risque de cancer subtil manqué de 1/40 000.

Ces études sont considérées comme très bénéfiques pour le programme français de dépistage du cancer du sein, comme le soulignent les membres du Conseil national professionnel de la radiologie et de l’imagerie médicale (G4) qui utilisent également l’IA dans leur pratique. L’intégration de l’IA dans le dépistage du cancer du sein avec un arrêt d’une partie ou toute la seconde lecture diminuerait de façon significative le coût du programme de dépistage.
Si l’on considère les applications d’IA disponibles en France (Incepto, Transpara, Therapixel, Hera-MI, iCad…), l’IA est utilisée pour le dépistage d’environ un million de femmes sur les cinq millions qui y participent chaque année. Compte tenu de la nouveauté de cette technologie, c’est un résultat positif.
Mais cela implique surtout que 80 % des femmes n’ont pas encore accès aux dernières innovations pour le dépistage du cancer du sein, signe d’une inégalité d’accès au soin qu’il convient de corriger.
Notre base installée nous permet ainsi de constater qu’il y a effectivement un déséquilibre territorial dans l’adoption des solutions d’IA d’imagerie. Ce sont principalement les cliniques et centres d’imagerie privés des zones urbaines (75 %) qui les ont adoptées pour le dépistage du cancer du sein. Les zones rurales, les centres de dépistage publics, n’offrent pas le même niveau d’accès à cette innovation.
Cette répartition inégale accentue la fracture territoriale dans l’accès aux soins, exacerbe les disparités régionales existantes. Les femmes des zones rurales ou mal desservies, déjà confrontées à la désertification médicale, seront désormais désavantagées lors de leur dépistage du cancer du sein.
En conséquence, elles risquent de recevoir des soins sous-optimaux par rapport à leurs homologues des zones urbaines, ce que l’on appelle une perte de chance en langage médical.
Or, la généralisation de l’usage de l’IA en routine clinique améliore la détection en première lecture. Les performances du radiologue, quelle que soit son expérience, sont améliorées par l’assistance de l’IA, comme démontré de multiples reprises dans les études de validation clinique.
Dans les déserts médicaux, l’IA permet également d’améliorer la performance moyenne des radiologues, malgré des niveaux d’expérience et d’expertise hétérogènes. En clair, l’IA nivelle par le haut.
En mobilisant les spécialistes situés en ville, façon de résorber cette inégalité clinique un remboursement de l’IA dans le protocole de dépistage du cancer du sein, à l’instar d’autres pays de l’Union Européenne comme la Suède, pourrait permettre de faire baisser le coût global, tout en augmentant le taux de détection du cancer du sein pour toutes les femmes françaises.
Grâce à l’IA, les radiologues, notamment ceux des zones rurales, gagneraient accès à l’expertise, difficultés rencontrées pour le maintien des programmes de dépistage en régions sous-dotées et au recrutement des jeunes médecins pour continuer d’assurer la mission de prise en charge des patientes… Des milliers de vies en seraient sauvées.
Extrait de La Voix du Parlement – Dossier FRANCE IMAGERIE TERRITOIRES





