Uniopss : Mobilisée autour des enjeux qualitatifs et quantitatifs des métiers de l’humain

Entretien avec

Daniel GOLDBERG, Président de l’Union Nationale Interfédérale des Œuvres Privées Sanitaires et Sociales (Uniopss)

Créée en 1947, l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), association Loi 1901 reconnue d’utilité publique est présente sur l’ensemble de l’Hexagone via ses unions régionales et sa centaine de fédérations, unions et associations nationales. Elle représente ainsi pas moins de 25 000 établissements, 750 000 salariés et l’engagement d’un million de bénévoles. Son expérience et son expertise de terrain, en font de l’Uniopss un observateur privilégié des besoins sociaux et un acteur majeur du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire. Conscients des nouveaux enjeux d’un monde en mutation, face à la pénurie croissante des métiers de l’humain, elle se mobilise autour de leur attractivité et de leur revalorisation.

Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) ?

Créée il y a tout juste 75 ans, l’Uniopss rassemble les acteurs associatifs des secteurs sanitaire, social et médico-social. Elle porte ainsi auprès des pouvoirs publics la voix collective de l’ensemble de ces associations, engagées auprès des personnes vulnérables : les personnes âgées, personnes en situation de handicap, personnes malades, enfants, jeunes et familles à protéger, personnes en situation de précarité, de pauvreté et d’exclusion. Notre réseau est avant tout animé par les valeurs fortes : le respect des droits fondamentaux des personnes, la non-lucrativité, la participation et l’accès aux droits, le pouvoir d’agir des personnes accompagnées et la participation de toutes et tous à la vie de la société. Ces finalités sont formulées dans nos prises de positions, interpellations et propositions. Première organisation de la santé et des solidarités par notre ancrage territorial au travers d’un réseau d’unions régionales et notre transversalité, avec une centaine de fédérations et d’associations nationales adhérentes, l’Uniopss unit et représente près de 35 000 établissements, 750 000 salariés et un million de bénévoles.

Notre expertise intersectorielle et notre présence dans tous les territoires font de l’Uniopss à la fois un observateur des besoins sociaux et sociétaux et un acteur majeur des réponses qui y sont apportées. Nous nous situons ainsi au cœur de l’économie sociale et solidaire.

Quels constats faites-vous quant aux mutations de ce secteur ?

Tous les secteurs dans lesquels nous sommes mobilisés connaissent des transformations importantes. Ces mutations sont liées à la fois aux changements démographiques de notre pays, à des besoins nouveaux et insatisfaits, aux choix des personnes vulnérables accompagnées qui se modifient, et à des évolutions technologiques ou de l’ingénierie sociale.

D’ailleurs, la période que nous vivons est celle des vulnérabilités généralisées. Avec la pandémie, chacun, pour soi-même et ses proches, une situation de vulnérabilité sanitaire, sociale et économique, notamment sous sa tension personnelle et existentielle. Cette période que nous traversons, nous tenait concrètement en quoi un angoissant climatique pesait sur nos vies. Chacune et chacun a donc dû s’adapter, parfois dans l’urgence, à des situations inédites, des événements imprévus, de tous ordres. L’enjeu, aujourd’hui, est donc d’accompagner voire d’anticiper les évolutions majeures et nécessaires, plutôt que de les subir.

Comme nous accueillons des personnes vulnérables, la capacité concrète de réponse à ces vulnérabilités généralisées et à ces mutations repose, en le sujet décisif, pour notre secteur, de la période qui s’ouvre.

À quelles problématiques majeures est-il confronté ?

Aujourd’hui, notre secteur souffre d’un manque de reconnaissance de ce que nous sommes. Si, comme beaucoup d’autres, nous sommes des associations, nous ne sommes pas des associations comme les autres. En effet, nous mettons en œuvre, bien souvent seuls, les politiques publiques de l’État et des départements. Nous en sommes les réalisateurs et non les opérateurs, car nous pensons, concevons et faisons. Et nous refusons d’être cantonnés à un rôle d’« opérateur » subissant des décisions descendantes, mais revendiquons la coresponsabilité d’accompagnement des personnes. Nous subissons aussi parfois une stratégie du moins disant dans les appels à projets, de mise en concurrence qui sont mortifères.

Face aux évolutions des besoins, nous revendiquons donc notre expertise de terrain que nous sommes souvent les seuls à avoir. De même, nous demandons à rémunérer, nous demandons aux élus locaux et à l’État une diligence dans les installations des équipements et des personnes pour lesquels les acteurs lucratifs ont connu des scandales récents. Il y a des choix de modèles à opérer. À chacun ses responsabilités.

Marche Climatt

Qu’en est-il des difficultés de recrutement dans ce secteur ?

Les secteurs des solidarités et de la santé connaissent une pénurie croissante des métiers de l’humain qui a un impact lourd pour les personnes accueillies et accompagnées.

Actuellement, 50 000 postes sont à pourvoir dans les établissements et services du secteur social, médico-social et sanitaire privé non lucratif. La revalorisation de ces métiers est donc une nécessité absolue. Il s’agit de salaires bien sûr, mais aussi de leur donner du sens, et continue, ainsi que de qualité de vie au travail. Pour cela, il faut par exemple, aborder des financements complémentaires pour développer les métiers de l’encadrement, une gouvernance plus participative en innovant sur les modalités d’accompagnement, et donc le pouvoir d’agir des salariés et des associations.

Pour ces raisons, nous proposons d’établir un état des lieux partagé, dans chaque région ou à des échelles infra-régionales, des besoins actuels et à venir. Ces « Assises pour l’emploi et l’attractivité des solidarités » devraient rassembler les différents services de l’État, les départements, la Région et nous, les acteurs de terrain. Prendre en compte les besoins de formation, en équipements et services, ou encore le pouvoir des salariés, est la plus petite des conditions nécessaires qui garantiront la qualité du travail des équipes au service des associations qui agissent au quotidien. L’État décentralisé et des associations qui s’impliquent déjà via la méthode à suivre… L’absence de scrutins électoraux prochains confirme que c’est la bonne période pour mettre en œuvre cette démarche au long cours.

Quels sont actuellement vos principaux sujets de mobilisation ?

La pénurie des professionnels de l’humain risque de conduire, dans un avenir proche, à une forme d’ubérisation des métiers concernés. Ce serait une très mauvaise pente dont il serait difficile de se sortir. Aussi, nous nous mobilisons depuis de longs mois, et récemment lors d’une journée nationale le 28 septembre, autour de 5 points : d’abord que tous les salariés bénéficient des revalorisations annoncées.

Or, des métiers et des secteurs en sont encore exclus alors qu’ils participent aux actions auprès des personnes. Ensuite, la parole publique doit être tenue. Le 18 février, Jean Castex, alors Premier Ministre et l’Association des départements de France, s’engageaient pour une revalorisation mensuelle de 183 € pour les métiers soignants. À l’heure actuelle, nombre d’associations n’ont pas perçu l’équivalent de ces montants et l’incompréhension justifiée des salariés crée des tensions sociales.

De plus, nous demandons l’égalité de rémunération (salaires + primes) entre les salariés des établissements publics et ceux des structures privées non lucratives. S’ajoutent à ces trois points l’augmentation du coût de l’énergie et des matières premières, comme l’application des campagnes telles comme EGalim, qui mettent les gestionnaires d’associations dans des situations de grande tension budgétaire, d’autant que les recettes non-proratisées les touchent plus qu’aux publics. Il est donc essentiel que la rentrée prenne enfin en compte ces besoins dans les budgets 2023. Enfin, ce n’est pas le moindre des sujets, bien accueillir demande de prévoir plus de salariés par personne accompagnée.