En mars 2022, Dominique Libault remettait au gouvernement son rapport « Vers un service public territorial de l’autonomie ». Articulé autour de 21 recommandations, il porte ainsi la création d’un guichet unique : le « service public territorial de l’autonomie », qui permettrait une coordination et une articulation efficientes entre les usagers que sont les personnes âgées en perte d’autonomie, les personnes en situation de handicap ou encore les aidants et l’ensemble des parties prenantes, institutionnels et professionnels du secteur. L’approche remet l’usager et son parcours de vie autour de toutes les démarches, services et politiques et propose une démarche centrée sur l’écoute et l’appréhension des besoins, loin des mesures parfois coûteuses avant de proposer toute solution ou réponse adaptée, fondée sur l’expérience et la proximité. Le rapport porte en lui un projet global dans lequel la proximité, le dialogue, l’écoute, les coopérations territoriales dominent pour une efficience renouvelée.
Vous êtes président du Haut-conseil au financement de la protection sociale et directeur de l’EN3S, et êtes l’auteur du rapport « Vers un service public territorial de l’autonomie ». Votre parcours professionnel a-t-il éclairé ce rapport ?
Les premiers éléments qui ont éclairé ce rapport sont d’abord et avant toutes choses mon parcours personnel, le fait notamment d’être confronté aux problématiques de perte d’autonomie de membres de mon entourage. Bien sûr, le fait d’avoir été directeur de la Sécurité sociale et d’avoir mené l’essentiel de ma carrière dans le champ de la protection sociale est venu corroborer l’expérience personnelle. Vers un service public territorial de l’autonomie, c’est un constat que nous dépensons beaucoup d’argent dans la protection sociale pour des réponses, qui ne sont pas forcément adaptées aux besoins et au choix de ce qui en droit définit les usagers. Le deuxième constat que j’ai fait est que les deux secteurs de l’autonomie de la dépendance ne travaillaient pas assez ensemble. Il y a un enjeu fort aujourd’hui avec la nécessité de ce lien entre les acteurs à passer à une logique qui parte du service que nous devons à la personne, et de tendre vers une véritable équité territoriale. Cela suppose bien évidemment de décloisonner.
Précisément, quels sont les grands axes de ce rapport ?
La mission que l’on m’a confiée en 2021, portait l’ambition de garantir un parcours simplifié et des services de meilleure qualité pour les personnes âgées en perte d’autonomie et les personnes en situation de handicap. En effet, elles se retrouvent trop souvent perdues dans leurs démarches d’accès aux droits et à l’effectivité des services, d’où l’idée d’un vrai guichet unique pour les personnes âgées en perte d’autonomie et les personnes en situation de handicap. Ainsi, la création d’un service public territorial de l’autonomie (SPTA) dédié à la fois aux usagers en perte d’autonomie, en situation de handicap et à leurs aidants ; mais aussi aux professionnels de santé, des secteurs social et médico-sociaux, m’apparaît un cadre indispensable à une prise en charge coordonnée des publics fragilisés par l’âge ou le handicap. Il permettrait de regrouper l’ensemble des actions et serait la concrétisation d’une véritable vision citoyenne de l’autonomie, mobilisant les acteurs spécialisés mais aussi « les solutions de droit commun » pour l’intégration des personnes en situation de handicap. Il serait mobilisé autour de quatre grands blocs de mission mis en place à titre minimal dans chaque département.
Le premier concernerait ainsi l’Accueil, l’information, l’orientation et la mise en relation avec la garantie de l’efficience du relais pris par le bon interlocuteur, des personnes âgées en perte d’autonomie, des personnes en situation de handicap et de leurs aidants. Le deuxième serait dédié à l’instruction, la délivrance et la réévaluation des aides et des prestations, qu’il s’agisse d’aides et d’appuis aux professionnels des secteurs du médico-social, sanitaire ou autres, à la gestion concrète, ou encore au suivi et à l’accompagnement dans la durée de l’ensemble des personnes, mais viserait aussi à la mobilisation des acteurs institutionnels et associatifs de droit commun, pour proposer une réponse concrète globale et inclusive. Enfin, le troisième volet regrouperait vers les actions de « d’alleurs » en prévention et de repérage.
Il s’agit de bâtir un cahier des charges, de rassembler les acteurs, de construire des solutions qui permettent vraiment de répondre aux besoins.
Les recommandations portent ainsi aussi sur la construction d’un cahier des charges, la mise en place d’une démarche globale pilotée par l’État, d’un service territorial de l’autonomie, d’une nouvelle alliance, d’un véritable travail de coopération et de coordination entre les conseils départementaux et les ARS. Nous devons nous mobiliser autour de la mise en place d’une véritable politique de proximité qui repose sur un travail de gouvernance dirigée par le service à apporter à l’usager. Il s’agit en effet d’être à son écoute, de mieux l’entendre, de le mettre au cœur de son propre parcours. Nous travaillons ainsi beaucoup sur la citoyenneté et la relation avec l’usager, une nouvelle façon de concevoir l’organisation, qui partirait de l’usager pour apporter des solutions et non pas l’inverse, comme c’est trop souvent le cas.
Je souscris à cet égard complètement au postulat de départ du rapport de Denis Piveteau : « Experts, acteurs, ensemble… pour une société qui change », remis début 2022, à la veille de la « conférence des métiers et de l’accompagnement social et médico-social », qui concerne d’ailleurs, en premier lieu, mais pas seulement, les professionnels du handicap et expose que les métiers sociaux et médico-sociaux seront d’autant plus valorisés que l’on redonnera un « pouvoir d’agir » aux personnes accompagnées. Cela paraît cruixal lorsque l’on y réfléchit de se dire que l’on pense pour eux ou à la place d’eux, sans qu’ils soient de façon systématique tirés au milieu de la chaîne. La première question pour apporter des solutions est d’interroger sur les besoins, les failles, les difficultés. Cela semble tomber sous le sens, mais les faits démontrent que nous n’avons que rarement suivi cette logique.

Quelles sont les principales recommandations ?
Le rapport compte 21 recommandations :
1► La création d’un service public territorial de l’autonomie (SPTA) dans tous les départements.
2► La création d’un système d’information pour le suivi actif du parcours de la personne âgée et/ou en situation de handicap ainsi que de leurs aidants, partagé entre les professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social.
3► Permettre une évaluation globale de la situation de la personne en vue de l’ouverture des droits en matière d’autonomie.
4► Faire du SPTA un « booster » de l’innovation locale des professionnels.
5► Coordonner l’ensemble des professionnels et acteurs des structures sanitaires, sociales et médico-sociales au sein du SPTA.
6► Intégrer au SPTA les dispositifs contribuant à l’accueil, l’information, l’orientation, la mise en relation, l’attribution des prestations, l’appui aux solutions concrètes et la prévention de la perte d’autonomie, sans remise en cause de leur existence ni de leurs obligations légales. Prévoir l’articulation avec le SPTA des dispositifs de droit commun, contribuant à une réponse globale et inclusive aux usagers dans une logique de parcours d’autonomie et de vie.
7► Tout nouveau dispositif ou action mis en place sur le territoire, au service de l’autonomie des personnes âgées et en situation de handicap, doit être articulé avec le SPTA.
8► Élaborer en concertation un cahier des charges national totalement axé sur le service à l’usager.
9► Mettre en place un programme de formation continue commune des agents publics (ARS et CD) et des professionnels de terrain des secteurs sanitaire, social et médico-social.
10► Légitimer les délégations départementales des ARS dans le pilotage des politiques de l’autonomie et du SPTA, aux côtés du conseil départemental chef de file.
11► Attribuer des financements pour le déploiement du SPTA, dès lors qu’ils concernent des actions ou outils nouveaux, dans une logique d’effet de levier.
12► Créer une conférence territoriale de l’autonomie au niveau départemental.
13► Renforcer et simplifier les articulations entre l’ARS, le conseil.
14► Prévoir que tout changement d’organisation au sein du SPTA donne lieu à concertation préalable.
15► Autoriser les assemblées locales à fusionner par délibération des conférences et instances entrant dans le champ du SPTA.
16► Prévoir des leviers d’actions gradués en cas de carence d’un des acteurs empêchant le déploiement du SPTA.
17► Installer une instance nationale de pilotage stratégique des politiques de l’autonomie, pilotée par la DGCS, le SGMAS ou une personnalité qualifiée et reconnue pour ses compétences dans le champ de l’autonomie.
18► Engager les travaux préparatoires au déploiement du SPTA en amont du processus législatif et durant l’année 2022.
19► Mettre en place sur les territoires une démarche de projet pour le déploiement du SPTA.
20► Définir et ancrer des indicateurs de pilotage du SPTA, communs aux parties prenantes et partagés ainsi que des modalités d’évaluation.
21► Assurer un déploiement généralisé du SPTA sur le territoire national, de manière progressive, dans les deux ans suivant la publication de la loi.
Ainsi, il est ni plus ni moins question d’un véritable rapprochement territorialisé des différentes parties prenantes de l’autonomie, qu’il s’agisse des usagers, des acteurs du sanitaire et du social d’une part, et des collectivités territoriales, de l’État, des ARS et de la Sécurité sociale d’autre part.
La finalité est de parvenir à tendre vers une parfaite coordination de toutes et tous, garante d’une vraie cohérence et continuité de l’accompagnement de proximité. Le pilier de cette démarche s’inscrit dans une dynamique progressive, avec le service public territorial de l’autonomie (SPTA), qui est le lien et la passerelle entre les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les aidants et les professionnels de santé et des secteurs médico-sociaux.
Il ne s’agit bien évidemment pas de créer une énième structure mais bien de renouveler l’efficience et la qualité de l’offre de services, afin qu’elle soit adaptée aux besoins réels et, plus large, simplifiée pour les usagers. Le but de la mission est aussi de simplifier les structures existantes afin de faciliter la création de solutions de proximité dans les territoires, travaillant en lien direct les uns avec les autres.
Seront-elles à vos yeux suivies d’effet ?
J’observe aujourd’hui une forme de consensus sur la mise en place d’un « service public territorial de l’autonomie ». Reste à transformer ce consensus en action, en définissant une méthodologie et un calendrier. Il est déjà des territoires, à l’image du Morbihan, dans lesquels le concept de guichet unique fonctionne déjà.
Demain, ce travail ne sera plus optionnel mais deviendra une évidence. Dans les faits, il n’est plus ainsi uniquement question de financements mais d’organisation efficiente et coordonnée. Lorsque l’on évoque la revalorisation des métiers du secteur, il s’agit certes de réviser les salaires à la hausse, mais aussi de leur redonner de l’attractivité, en démontrant les valeurs humaines et sociétales qu’ils portent.
Il importe aujourd’hui plus que jamais que le service public ait une posture d’appui aux professionnels et de réponse coordonnée aux usagers en proximité.






