Deux décennies d’APA (allocation personnalisée d’autonomie)

Par

« Vieillir est encore le seul moyen qu’on ait trouvé de vivre longtemps » — Sainte-Beuve

L’APA (allocation personnalisée d’autonomie), versée par les conseils départementaux aux personnes âgées de plus de 60 ans en situation de perte d’autonomie, fut créée le 20 juillet 2001. Entrée en vigueur en France au 1er janvier 2002 et instaurée par Paulette Guinchard-Kunstler, alors Secrétaire d’État chargée des Personnes âgées, elle a remplacé dès 2002 la PSD (prestation spécifique dépendance). Aux prémices, elle ne fut attribuée qu’à quelques 145 000 personnes âgées de plus de 60 ans, avec pour objectif majeur de financer l’aide à domicile.

Début 2003, elle compte déjà 670 000 allocataires et participe à la fois au financement des dépenses nécessaires au maintien à domicile, mais aussi à l’hébergement en EHPAD. Au 31 décembre 2020, d’après la DREES, 1,3 million de personnes âgées de 60 ans ou plus bénéficiaient de l’APA, soit 7,4 % de cette population, pour une dépense totale estimée à 17,8 milliards d’euros.

Bien que le nombre de bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie ait stagné au cours de la dernière décennie (entre 2011 et 2019, +10 % seulement), certains départements voyaient leur nombre total d’allocataires diminuer.

Des disparités territoriales persistantes

Les bénéficiaires de l’APA de 75 ans et plus sont en augmentation. Pourtant, certains départements enregistrent une baisse significative en moins de huit ans. 66 d’entre eux sont bien confrontés à une augmentation, à l’image de La Réunion et du Pas-de-Calais, où plus du tiers des personnes âgées de 75 ans et plus bénéficient de l’APA.

La Seine-Saint-Denis connaît une évolution sur la même période de +41,15 %, passant de 17 092 en 2011 à 24 126 en 2019. C’est dans le Nord et les Bouches-du-Rhône que l’on dénombre le plus d’allocataires : 48 174 et 41 005 bénéficiaires respectivement.

À l’inverse, dans 19 départements, le nombre est en baisse : La Manche (-13,60 %), Paris (-13,17 %) et L’Indre (-11,13 %).

Des écarts structurels et durables

Les disparités entre départements ne sont pas nouvelles mais en perpétuelle évolution. Depuis 2014, l’enquête Vie quotidienne et santé (VQS) de la DREES permet de mesurer la prévalence de la dépendance à domicile au niveau départemental. Les départements où la part de seniors en perte d’autonomie est élevée comptent logiquement plus de bénéficiaires de l’APA.

Ce travail a montré que trois grands types de facteurs — dépendance, caractéristiques sociales et offre de soins — expliquent à eux seuls 38 % de la variabilité des taux d’allocataires entre départements.

Une aide toujours en mutation

Aujourd’hui, l’APA demeure un pilier essentiel du soutien à l’autonomie. Mais certains départements, en pleine évolution démographique, enregistrent une baisse du nombre d’allocataires : il y a une décennie, les tendances étaient inversées. De fait, l’APA a un fort taux de renouvellement des bénéficiaires, notamment lié au décès d’une partie d’entre eux.

Un enjeu central pour la société du vieillissement

S’il est aussi une problématique de fond, c’est celle du recul des métiers de l’action médico-sociale. La baisse du nombre d’allocataires de l’APA est aussi celle d’une demande mal exprimée, parfois freinée par la complexité administrative ou le manque d’information.

C’est ici que le rapport de Dominique Libault « Vers un service public territorial de l’autonomie » prend toute sa portée. On compte aujourd’hui environ 1,3 million de bénéficiaires de l’APA (60 % à domicile, 40 % en établissement). Si les personnes âgées de 60 ans et plus sont 15 millions aujourd’hui, elles seront 20 millions en 2030 et 24 millions en 2060.

Le nombre de plus de 85 ans passera, lui, de 1,4 à 5 millions d’ici 2060.

Une dépense sociale majeure

Au 31 décembre 2020, 7,8 milliards d’euros avaient été consacrés à l’APA pour 1 318 168 bénéficiaires, dont 791 921 à domicile et 536 247 en établissement. Les dépenses d’APA et les concours FFAPA (Fonds de financement de l’APA) versés aux départements ne cessent de croître. En 2020, le concours APA I de la CNSA s’élevait à 2,014 milliards d’euros, et le concours APA II à 466,117 millions d’euros.

Un tournant générationnel et politique

Comme l’écrivait déjà Luc Broussy en 2013 : « Si le XXe siècle aura été celui de l’explosion de la population mondiale et des gains d’espérance de vie, le XXIe siècle sera le siècle du vieillissement ». Il y voyait « un levier formidable en termes d’emplois, de développement industriel et de croissance », avant d’ajouter : « Le vieillissement de la population doit constituer une opportunité heureuse pour la jeunesse de notre pays. »

Gageons que notre société permettra de vieillir plus longtemps, et mieux. Les personnes âgées d’aujourd’hui, d’hier et de demain portent la mémoire du passé, le présent et le devenir des sociétés futures. C’est sur cette transmission génération après génération que repose notre conscience collective.

Une conclusion tournée vers l’avenir

Et de citer pour conclure quelques extraits de l’introduction du rapport de Luc Broussy « Nous vieillirons ensemble… 80 propositions pour un nouveau Pacte entre générations » :

« Vieillir chez soi suppose un logement adapté à ses fragilités présentes ou futures. Vieillir chez soi suppose de bénéficier d’un quartier sécurisant, d’une ville bienveillante qui soient gages du maintien des liens sociaux. Vieillir chez soi suppose aussi des moyens adaptés de mobilités et de transports qui permettent que la vie à domicile ne se transforme pas en assignation à résidence. Vieillir chez soi suppose enfin de prendre en compte la géographie du vieillissement puisque nous ne vieillissons pas de la même façon selon l’environnement dans lequel nous évoluons (urbain, péri-urbain, rural, régions riches et jeunes, territoires âgés et dépeuplés…). C’est ce continuum que j’ai souhaité présenter ici. »

« Vieillir, c’est apprendre à vivre heureux et en bonne santé le plus longtemps possible, comme l’écrivait Sainte-Beuve : “Vieillir est encore le seul moyen qu’on ait trouvé de vivre longtemps.” »