Évolutions de l’offre de soins : développer l’attractivité des métiers en s’adaptant aux besoins croissants

Entretien avec

Cécile LAMBERT, Directrice générale de l’Offre de soins

La Direction générale de l’offre de soins (DGOS), qui constitue l’une des directions générales du ministère de la Santé est chargée de l’élaboration, du pilotage et de l’évaluation de la politique de l’offre de soins, en fonction des objectifs et des priorités de la politique de santé. Face aux nouveaux enjeux d’une société en mutation qui impose une adaptation continue aux besoins de soins des français, la DGOS est mobilisée sur tous les fronts.

Pouvez-vous nous rappeler les missions de la Direction générale de l’offre de soins ?

Pour le compte du gouvernement et plus particulièrement du ministre de la santé et de la prévention, les missions de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) sont toutes orientées vers un objectif majeur : construire la réponse aux besoins de soins des français en concertation étroite avec les représentants des patients, les interlocuteurs professionnels et les décideurs institutionnels.

Nous sommes chargés de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques à même de répondre aux défis auxquels fait face le système de santé. Concrètement : répondre aux besoins grandissants de soins de la population tout en assurant la pérennité d’un financement solidaire, mais aussi mettre en œuvre les grandes orientations de la stratégie nationale de santé lancée par le gouvernement.

Ainsi, nous contribuons à promouvoir une approche globale, décloisonnée, équilibrée des soins assurés aussi bien à l’hôpital, en maison de santé, en cabinet libéral, à domicile et à définir la réponse sanitaire la mieux adaptée aux besoins des patients, la complémentarité et la coordination des professionnels et structures de soins. Nous sommes également à la tâche pour renforcer la pertinence, la qualité et la sécurité des soins.

Quels sont aujourd’hui vos sujets prioritaires ?

Notre première priorité est de renforcer l’attractivité des métiers du soin.

La crise sanitaire a pointé la nécessité de mettre en place un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières des professionnels. C’est en ce sens qu’ont été signés les accords du Ségur de la santé, qui ont apporté d’importantes revalorisations indiciaires et indemnitaires au profit de tous les professionnels hospitaliers.

Nous devons maintenant nous concentrer sur la meilleure prise en compte des sujétions particulières de l’exercice hospitalier, sur la promotion des conditions de travail et, plus largement, la qualité de vie au travail des équipes.

L’évolution des métiers de la santé en elle-même un facteur d’attractivité. Nous devons continuer la spécialisation et l’expertise de chaque métier tout en élargissant les compétences des professions paramédicales. Je pense notamment à la pratique avancée, à l’accès direct à certains professionnels, au développement de compétences entre professionnels ou encore à la création de passerelles inter-filières. Cette évolution facilitera l’accès aux soins en particulier dans les zones sous-denses et à renforcer la qualité des pratiques pour une meilleure prise en charge et une meilleure prévention.

Dernier challenge : réponse aux enjeux démographiques des professionnels de santé. Les besoins de recrutement tant médicaux que paramédicaux et parfois à basins de rareté sanitaire : ils ont mis en lumière la nécessité de former des professionnels de santé en adéquation avec l’offre d’une part et de veiller à une répartition équitable de leur installation sur le territoire d’autre part.

Quelles ont été les évolutions des besoins ?

Ces dernières années ont été marquées par plusieurs évolutions : je citerai le vieillissement de la population qui aspire de plus en plus au maintien à domicile, le boom sans précédent des pathologies chroniques, l’essor des soins ambulatoires tout en préservant les besoins en hospitalisation traditionnelle et une crise sanitaire qui a rappelé l’importance d’une coopération renforcée entre tous les segments de l’offre de soins : hôpital, ville, médico-social.

À partir de ces constats, la DGOS soutient les évolutions valorisant les coopérations entre professionnels de santé, le lien entre prévention et soin, le développement d’une véritable gradation des soins.

Il nous revient de nous adapter, de prendre en compte tous les besoins et d’apporter des réponses à toutes les priorités de santé publique.

C’est pourquoi nous sommes présents sur de nombreux fronts. Entre autres, nous déployons la feuille de route nationale pour les soins critiques, la stratégie décennale de lutte contre le cancer, le plan national maladies rares, les mesures relatives à la santé mentale et à la psychiatrie dans la lignée des Assises nationales de septembre 2021 ainsi que tous les chantiers nationaux concernant la santé des femmes : accès à l’IVG, stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, la santé périnatale et la prise en charge des violences faites aux femmes.

Nous contribuons également à la politique d’amélioration de la prise en charge des personnes en situation de handicap afin de renforcer leur accès à la prévention, au dépistage, au repérage de leur handicap, leur parcours de santé.

En réponse aux besoins liés au vieillissement de la population, nous proposons une approche plus globale, pour renforcer « l’aller-vers », à destination des personnes âgées à domicile, en HAD ou en EHPAD.

Et ainsi, éviter les ruptures de parcours liées à l’hospitalisation, que ce soit par la généralisation d’admissions directes ou par anticipation de la HAD, au moment de la sortie d’hospitalisation.

Enfin, nous mettons en œuvre le plan national 2021-2024 de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie et nous accompagnerons les évolutions que pourraient amener les concertations prévues dans les prochains mois dans ce domaine.

Comment l’offre de soins parvient-elle à s’adapter, voire à anticiper ?

Les évolutions et les priorités sont nombreuses. En concertation avec l’ensemble des acteurs, nous avons engagé une rénovation d’ampleur du cadre réglementaire d’autorisation des activités de soins dans les établissements de santé pour mieux répondre aux nouvelles exigences de la gradation des soins, aux besoins des territoires en matière de soins spécialisés tout en assurant la qualité et la sécurité des prises en charge.

Nous avons aussi développé des dispositifs concrets, pragmatiques permettant un capacitaire hospitalier plus souple et adapté aux fluctuations des besoins : l’ouverture de « lits à la demande » dans le cadre du Ségur de la santé, le soutien au déploiement des hébergements temporaires non médicalisés – dits aussi « hôtels hospitaliers » – et la poursuite du développement de l’HAD.

Autre dispositif, le service d’accès aux soins (SAS) qui se généralise progressivement sur l’ensemble du territoire. Les premiers retours des expérimentations s’avèrent très encourageants : le dispositif permet en effet de revoir la réponse apportée aux soins urgents et non programmés grâce à une régulation médicale commune, coordonnée entre les professionnels hospitaliers et libéraux d’un même territoire.

En ville, de nombreuses adaptations sont aussi à l’œuvre pour favoriser l’accès aux soins pour toutes et tous ainsi que l’exercice coordonné. Un large panel de leviers est déjà à disposition et la dynamique, déjà engagée dans les territoires avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les maisons et centres de santé.

Bien sûr, la télésanté constitue aussi un formidable vecteur pour s’adapter aux nouveaux besoins de la population mais aussi aux enjeux et contraintes de notre système de santé. Les usages de la télésanté se sont fortement accrus avec l’épidémie de covid-19. L’ancrage dans les pratiques courantes des médecins et le déploiement des usages par les autres professionnels de santé et auxiliaires médicaux impliquent de poursuivre et d’intensifier l’accompagnement de ces professionnels et des patients.

Vous l’aurez compris : notre rôle est de lever les verrous et de donner les outils aux professionnels, aux établissements et aux territoires pour faire face à ces changements. En ce sens, nous avons par exemple mis à leur disposition un ensemble d’outils issus de la mission flash demandée par le Président de la République sur les soins urgents et non programmés pour faire face aux tensions estivales. Et c’est dans ce même état d’esprit qu’a été lancé le volet santé du conseil national de la refondation (CNR).

Quelles sont vos prochaines échéances ?

Je suis heureuse de vous confirmer l’arrivée de Marie Daudé qui prendra ses fonctions de Directrice générale de l’offre de soins à compter du 1er novembre prochain. Notre feuille de route présentera, dans les prochaines semaines et les prochains mois, de nombreuses opportunités et synergies possibles pour répondre aux défis de l’accès aux soins et de l’attractivité des métiers.

Je pense tout d’abord à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 dont l’amendé a débuté il y a peu au Parlement et qui m’a donné l’occasion d’échanger avec les députés et les sénateurs autour des mesures qui contiennent ce projet de loi.

Nous allons aussi accompagner le déploiement territorial du volet santé du CNR et les concertations locales pour soutenir les initiatives collectives de professionnels ou organisations permettant de répondre aux difficultés spécifiques des territoires. Et parallèlement, nous suivrons, aux côtés de la CNAM, les négociations autour de la nouvelle convention des médecins libéraux qui se tiendront au cours des prochains mois.