Entre l’Italie et la Principauté de Monaco, les liens sont géographiques, historiques, mais aussi intimes. Bien avant l’existence des deux États, des définitions des frontières d’aujourd’hui, qu’elles ne soient politiques, depuis des siècles, règnent des relations personnelles entre les individus habitant un même territoire, en bordure de Méditerranée. Les liens de la Principauté et de l’Italie, puisent aussi leur source dans la famille Grimaldi et ses racines génoises. Aujourd’hui, c’est peu dire que la communauté italienne est toujours présente à Monaco, à en juger par les milliers d’entrepreneurs, habitants, frontaliers, qui chaque jour font rayonner l’âme italienne sur le Rocher et alentours. Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d’Italie depuis septembre 2020, S.E. M. Giulio Alaimo, brillant diplomate à la vaste la carrière internationale, le menant dans des contrées lointaines et proches, n’a de cesse de développer les champs de coopération entre les deux pays frères et les faire rayonner l’un l’autre dans une relation d’éternelle réciprocité.
Vous êtes Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d’Italie depuis septembre 2020 et avez commencé votre carrière diplomatique il y a plusieurs décennies avec un premier poste au Pakistan de 1994 à 1998. Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?
Trois décennies dans le corps diplomatique, cela peut paraître immense, mais le temps y passe très vite, tant ces années ont été riches de mille et unes découvertes. J’ai débuté ma carrière diplomatique pour être précis en 1991 et occupé un premier poste au Pakistan à partir de 1994 pour quatre années.
Cela fut un immense défi pour de multiples raisons. Il s’agissait d’une part de ma première mission officielle à l’étranger, qui plus est dans un pays, dans laquelle la présence italienne était alors quasi-inexistante, sur le continent Asiatique, le cinquième pays le plus peuplé au monde, avec des problématiques religieuses, culturelles et politiques, très différentes de celles de l’Occident.
Ma mission était alors essentiellement commerciale. Il s’agissait de débuter des relations bilatérales en termes de diplomatie économique avec un arsenal de codes, de règles, de lois, très différent de celui que je maîtrisais jusqu’alors. Il n’était point question de porter un jugement occidental à l’emporte-pièce, mais de s’adapter, de comprendre, de trouver les chemins d’une vraie communication entre des interlocuteurs de cultures très différentes.
Cette première expérience laisse bien évidemment son empreinte dans la vie d’un diplomate. Elle est une étape à titre personnel, qui peut confirmer ou infirmer un choix personnel. En ce qui me concerne, il est vrai qu’avant d’embrasser la carrière diplomatique, j’en connaissais peu ou prou à la fois les avantages et les difficultés.
Aller à la rencontre, découvrir d’autres pays, continents, cultures est à la fois une vie palpitante, pour qui a soif d’apprendre et est curieux, mais ce sont aussi des contraintes familiales réelles, auxquelles on doit être préparé et auquel notre conjoint(e) doit adhérer pleinement, car il/elle doit nous suivre avec les enfants.
Lorsque je suis arrivé au Pakistan, ma première fille avait six mois. Cela ne fut donc pas une décision prise à la légère. Mon devoir de diplomate était de servir mon pays, et celui de père et d’époux, de ne faire courir aucun risque à ma fille et ma femme. Cette expérience est venue renforcer mes certitudes.
Il va de soi que cela n’est pas un choix que l’on fait seul. Cette décision se doit d’être réfléchie. Être l’épouse, ou l’époux, la fille ou le fils d’un diplomate, c’est changer de pays tous les quatre ans. Pour les enfants notamment, cela implique aussi de quitter les amis que l’on vient de se faire, changer d’école, ne pas voir régulièrement les autres membres de la famille.
C’est une vie bien évidemment très riche, mais très particulière. Être diplomate, c’est donc à la fois un choix professionnel et personnel. Le Pakistan a été pour moi un véritable choc culturel.
Mais je crois que si l’on veut pleinement remplir ses missions, quelque part, toute découverte d’un nouveau pays soit se réaliser sans idées préconçues.
On n’apprend vraiment que par l’immersion et que les découvertes que l’on fait soi-même. Après l’expérience était bien évidemment très différente, puisque la moitié de la population a des origines italiennes, soit 15 millions de personnes, et plus encore à La Plata, la capitale de la province de Buenos Aires. Pourtant, on apprend toujours énormément même en se contentant pas de ce que l’on croit savoir.
Il y a eu en effet une immigration massive des Italiens vers l’Amérique du Sud, et plus particulièrement en Argentine, ce qui est un reflet de l’histoire italienne, qui est une longue histoire d’immigration.
Parallèlement, j’arrivais dans un contexte très particulier. En effet, entre 1998 et 2002, le pays était confronté à une crise économique et sociale grave et nombre des descendants italiens ont demandé la nationalité italienne pour revenir dans leur terre d’origine.
De 2005 à 2009, Diplomate au Canada à Ottawa, en charge de la promotion de la présence culturelle de l’Italie au Canada, mais aussi de la coordination de l’ensemble des consulats italiens du pays, notamment à Vancouver, Toronto ou encore Montréal, la découverte a aussi été au rendez-vous de cette nouvelle immersion dans ce pays inconnu, qui compte pas moins de 800 000 italiens ou descendants aux origines italiennes.
Puis, de 2009 à 2013, ce fut la France, comme Conseiller Culturel. Même si les cultures sont proches, il est toujours des surprises et des découvertes passionnantes dans chaque pays, quels que soient les liens de proximité qui coexistent avec l’Italie.
Lorsque je suis revenu à Rome, j’ai eu la chance de bénéficier de la merveilleuse opportunité que représentait l’exposition universelle de Milan de 2015, qui a bien évidemment été au cœur de ma mission, notamment concernant l’organisation de la venue des autorités étrangères sur place.
Je suis ensuite allé à la rencontre de la Suisse, en tant que Consul Général à Zurich, où vit ici encore une importante communauté italienne. Et depuis septembre 2020, je m’immerge dans la Principauté de Monaco.
Votre mission dans la Principauté est-elle très différente des précédentes ?
Toutes les missions sont différentes. Nous partageons cependant avec la Principauté des liens historiques et une forme de communauté de destin, ne serait-ce que parce que nous sommes frontaliers.
Durant les deux siècles passés, nous avons oublié la tradition séculaire. Les relations entre nos populations ont existé bien avant que la Principauté ne devienne un état avec la famille Grimaldi, dynastie originaire de Gênes, et ce dès le 13ème siècle.
Les liens personnels, avant de devenir politiques, sont nés avant même la naissance de l’Italie que nous connaissons aujourd’hui avec les populations venant de la Lombardie, du Piémont ou encore de la Sicile.
Il n’est pas de hasard d’ailleurs, si la langue monégasque est le même dialecte que celui de la République de Gênes, puisqu’il en a été importé. Le nom des ruelles, de certaines rues est d’ailleurs parfois à la fois écrit en français et en monégasque.

Quelle vision portiez-vous sur la Principauté avant d’en être le représentant pour l’Italie ?
Je me suis rendu dans la Principauté comme touriste. À mes yeux, elle était le haut lieu de grands évènements, notamment sportifs. Cette approche est bien évidemment superficielle et mon rôle d’Ambassadeur, une fois n’est pas coutume, est d’appréhender les éléments en profondeur.
Il faut sortir des idées reçues. Si la Principauté est une place financière incontestable, une destination de tourisme, de loisir et d’affaires privilégiée, elle est aussi le haut lieu des nouvelles technologies, de l’économie verte, de la protection de la planète et de start-up pionnières.
Quels sont les champs de coopération entre les deux états ?
Comme pour la France, les champs de coopération économiques et commerciaux sont bien évidemment très importants et sont liés très souvent aux spécificités de Monaco. À titre d’exemple, la Principauté a acheté le port de Vintimille , afin de répondre à des besoins que sa superficie compliquait.
Depuis 2021, il accueille la marina ultramoderne de Monaco Ports, la Cala del Forte. À quinze minutes de la Principauté, il ajoute 178 places aux Ports Hercule et de Fontvieille, et crée une nouvelle dynamique économique avec non seulement des emplacements pour yachts, un quai de chantier naval, ou encore des boutiques de luxe.
Nos coopérations ne sont pas uniquement autocentrées sur nos deux pays. Ainsi, nous travaillons souvent de concert au développement de l’Afrique, notamment dans le secteur sanitaire, et partageons une vision commune, sur l’aide aux pays émergents.
Combien d’italiens résident ou/et travaillent dans la Principauté ?
On compte quelques 8300 personnes d’origine italienne qui résident dans la Principauté de Monaco. Certaines familles y habitent depuis des générations, mais il est aussi des nouvelles qui s’y sont installées récemment.
Cette communauté s’est, contrairement à d’autres pays plus lointains, installée les dernières décennies, avec un profil socio-économique et des mobiles très différents de ceux des grandes vagues d’immigration que j’ai citées.
On assiste d’ailleurs à un accroissement de cette population, quoi que léger. Parallèlement, quelques 4500 frontaliers viennent chaque jour dans la Principauté.
En quoi sont-ils des acteurs du développement économique de la Principauté et réciproquement ?
Il est évident qu’il y a un lien de réciprocité dans le développement économique entre la communauté italienne et la Principauté, comme c’est le cas pour la France. Rappelons en outre qu’il existe pas moins de 1600 entreprises italiennes dans les secteurs du luxe, du shopping, de la mode ou encore des services sur le territoire monégasque.
Si la Principauté a besoin de nous, elle crée aussi une belle dynamique économique alentour. J’aime à dire qu’elle représente une formidable vitrine pour promouvoir les excellences italiennes.
Quel bilan pouvez-vous faire de ces premières années dans la Principauté ?
La première année a été celle du confinement et bien évidemment placée sous le signe d’une crise sanitaire sans précédent, qui a profondément endeuillé notre pays, comme de nombreux autres, de par le monde et qui s’est fatalement doublée d’une crise sociale.
L’actualité a été contrainte et les grands évènements ont été annulés. Puis, la vie a plus ou moins repris son cours avant que ne vienne frapper la guerre en Ukraine.
Ces années dans la Principauté sont pour moi très positives et enrichissantes. Nous avons fait avancer de nombreux sujets essentiels pour nos deux États, à l’image de l’accord sur le télétravail, dont on a pu mesurer l’importance avec la pandémie, qui a été signé en mai 2021.
Quels sont aujourd’hui vos principaux enjeux et défis ?
Il m’incombe bien évidemment de répondre aux besoins de la communauté italienne, notamment en termes de services consulaires. Parallèlement, en tant qu’Ambassadeur d’Italie, je représente mon pays.
Ma mission est de le faire rayonner, de témoigner de la richesse de ses talents, de sa culture, de ses paysages, de ses habitants, ou encore de sa gastronomie. Mon rôle infini, quel que soit le pays dans lequel je m’arrête quelques années, est de témoigner de ses atouts et potentiels, de créer de nouveaux liens, d’attirer de nouveaux investisseurs, de susciter l’envie de découvrir tous les visages et rivages de l’Italie à ceux qui ne la connaissent pas.
Je suis inlassablement dans la construction de relations anciennes et renouvelées, qui s’adaptent à l’air du temps et n’ont de cesse de trouver de nouveaux champs de coopération, dessinent ensemble un avenir commun.
Il est important de poursuivre le chemin, entamé il y a des siècles et des siècles, côte à côte avec la Principauté de Monaco et d’aller toujours plus loin dans l’approfondissement de nos relations à la fois historiques et modernes.






