Représenter la cinquième circonscription des Français de l’Étranger dont la Principauté de Monaco : à l’écoute de toutes les attentes

Entretien avec

Stéphane Vojetta, Député de la cinquième circonscription des Français de l’Étranger : Espagne, Portugal, Andorre, Monaco

Quelles sont vos principales missions et actions sur la Principauté de Monaco ?

Mes principales missions et actions sur la Principauté de Monaco, comme dans le reste de ma circonscription, au Portugal, en Espagne et en Andorre, sont d’être le pont entre les besoins des Françaises et des Français résidant à Monaco et l’Assemblée Nationale pour les représenter au mieux. Comme n’importe quel autre député le fait en représentant sa circonscription, je vote les lois mais la spécificité de la mienne fait que j’ouvre le débat pour que soit prise en compte la situation particulière des français établis hors de France.

En fait, il n’y a pas d’autre mission véritablement définie pour un député si ce n’est celle de proposer et voter des lois et des amendements les plus bénéfiques pour l’ensemble des français et veiller à leur application. Je veille aussi, de par mes relations avec les institutions de la Principauté ou à travers le groupe d’amitié France-Monaco duquel je suis membre, à créer du dialogue pour que la vision globale des français puisqu’il permet des relations et des projets directs avec les autorités de Monaco.

Les actions, en revanche, elles appartiennent à la vision de celui qui les mène, il me semble. Il se trouve que je suis un homme d’actions et que j’aime être au contact de celles et ceux qui vivent dans ma circonscription.

Pour cela, pour pouvoir faire remonter ce qui me vient du terrain, je me rends le plus souvent possible aux quatre coins de ma circonscription dont Monaco. La Principauté a d’ailleurs été mon premier déplacement en circonscription lorsque je suis devenu député en octobre 2021. J’y suis retourné de nombreuses fois depuis ; très récemment encore cette année, je m’y suis rendu à plusieurs reprises.

Sont-elles très différentes de celles que vous menez dans les autres pays de votre circonscription ?

La Principauté de Monaco a une Histoire très particulière avec la France, notamment en matière d’accords bilatéraux. Cela joue par ruissellement dans mes actions et donne un cadre à mon rôle que ce soit au sujet de la fiscalité ou du système d’enseignement français.

Les accords sur ces sujets sont « centralisés » auprès du Gouvernement monégasque. Par exemple, le système d’enseignement français est différent de celui qui existe au Portugal ou en Espagne car les contrats des établissements publics de Monaco (soit sept écoles primaires et élémentaires, un collège et un lycée d’enseignement général et technologique) ainsi que l’enseignement privé sous contrat (une école primaire et un établissement du primaire au lycée) sont à la charge du Gouvernement monégasque.

L’accord franco-monégasque de 1994 appliqué en 2002 permet, entre autres exemples, le détachement de titulaires de l’Éducation Nationale française ou l’aide à la formation continue et à l’évaluation des établissements scolaires par la France.

Au-delà des accords, c’est surtout la configuration géographique de la Principauté de Monaco qui diffère. Enclavé par la France, le territoire de Monaco compte 7367 français inscrits au registre consulaire (l’inscription au registre n’est pas obligatoire, on estime plutôt qu’il y a autour de 10 000 français résidents).

En parallèle, il y a chaque jour 43 500 personnes qui traversent la frontière pour aller travailler à Monaco. En principe, je ne suis pas le député de ces français qui résident en France et qu’on appelle travailleurs pendulaires mais je peux avoir une incidence sur leurs préoccupations.

C’est d’ailleurs pour cela que j’ai eu l’occasion d’organiser une réunion de travail dans la Principauté avec mon ancienne collègue parlementaire des Alpes Maritimes Alexandra Valetta-Ardisson. J’ai aussi convié les maires des communes françaises limitrophes de Monaco à se réunir avec nous, pour pouvoir mieux comprendre leurs perspectives sur ce point.

Les sujets de réflexion ont été larges, nous avons abordé notamment celui des difficultés administratives rencontrées par certains allocataires de Pôle Emploi lors de formations à Monaco. Sur ce sujet, j’ai souhaité travailler en profondeur.

Quelles relations entretenez-vous avec les autorités monégasques ?

Selon le principe de nos relations diplomatiques, je ne peux m’investir du rôle d’intermédiaire entre nos deux États et leur Gouvernement, rôle dédié à notre Ambassadeur de France en Principauté de Monaco, Son Excellence Monsieur Jean d’Hausssonville, et à notre Gouvernement français et plus spécifiquement celui des Affaires Étrangères.

Ceci étant, et c’est là sûrement l’un de mes traits de caractère principaux, j’aime aller au but et faire état des besoins que me transmettent les françaises et les français en sollicitant directement soit nos instances françaises pour que celles-ci se lient avec ses homologues de l’un des pays de ma circonscription, soit, en restant à ma place de député, en demandant une audience comme j’ai pu le faire avec Son Altesse Sérénissime, le Prince Albert II de Monaco.

J’ai ainsi eu l’occasion d’aborder divers sujets d’intérêt pour la communauté française de Monaco comme les échanges automatiques de données entre nos deux administrations, mais aussi, pour les nombreux travailleurs pendulaires français, la présence consulaire française à Monaco, les infrastructures de transport et notamment la future navette maritime Nice-Cap d’Ail ainsi que les difficultés à trouver des logements abordables dans la Principauté.

Par ailleurs, j’ai été convié par le Conseil National à participer à la Conférence des Présidents de l’A.P.F. à Monaco. Cette invitation démontre l’intérêt commun et réciproque pour nos deux parlements.

Cette année, au mois de mai, j’ai eu l’honneur de me rendre en Principauté de Monaco pour y rencontrer les représentants institutionnels de la Principauté : le Conseil National, le Ministère d’État, et le Prince Albert II, après un premier passage auprès des autorités françaises ainsi que de la communauté à la Maison de France.

Mon premier déplacement de l’année en mars m’ayant permis de prendre le pouls de la situation monégasque, notamment grâce à mes échanges avec Monsieur l’Ambassadeur de France, son premier conseiller ainsi que la Consule Générale, j’ai souhaité revenir pour exprimer mon soutien et, à travers moi, celui de la France envers le Rocher.

Dans un contexte marqué, à Monaco, par la révélation des « Dossiers du Rocher », des problématiques financières bilatérales telles que la suspension des négociations pour un accord d’association entre Monaco et l’Union Européenne, ou encore par des enjeux plus globaux comme la 3ème conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), il me semblait primordial de réitérer le soutien de la France à l’action du Prince.

Je l’ai fait lors de mon audience avec Son Altesse le Prince Albert II, bien sûr, et par des échanges nourris avec son Chef de Gouvernement ainsi que son Chef du Parlement. Mes mots de soutien ont eu un retour chaleureux de la part du souverain qui m’a exprimé le même soutien pour notre communauté française de Monaco et pour les Enfants du Pays.

Quelle est l’importance de la communauté française dans la Principauté de Monaco ?

Il y a 7 367 françaises et français inscrits au registre consulaire de Monaco en 2019 d’après le rapport du gouvernement français sur la situation des Français établis hors de France de 2020.

C’est une indication à prendre en compte mais ce chiffre ne représente pas le nombre précis de français établis à Monaco, l’inscription au registre étant volontaire.

Selon le recensement de l’Institut Monégasque de la Statistique et des Études Économiques (IMSEE) en 2016, il n’y en a pas de plus récent, les Français étaient 9 296. Le site de la mairie de Monaco recense 9 573 monégasques au 31 décembre 2020, sur un total de 38 100 habitants. Cela donne une idée de l’importance de la communauté française au sein de la Principauté.

Parmi les français qui résident à Monaco, même s’il est difficile d’établir un profil type, je pense qu’on peut considérer le secteur privé comme le plus représenté. Au-delà des résidents, sur l’ensemble des actifs, plus de 33 000 français sont salariés du secteur privé et un peu plus de 3 000 du secteur public.

Les travailleurs pendulaires représentent 82 % des salariés, ces travailleurs frontaliers sont 43 500 à se rendre des Alpes-Maritimes à Monaco chaque jour. Il n’y a pas de données chiffrées en ce qui concerne les retraités mais je peux témoigner du fait qu’ils sont peut-être les plus nombreux à se manifester auprès de moi.

Comment les accompagnez-vous ?

J’ai mis en place plusieurs médiums de communication avec les françaises et les français de Monaco.

Chaque mois, je diffuse une lettre d’informations qui reprend la majeure partie de mes actions, qui expose aussi les mesures parlementaires en cours et qui influe sur leur vie, mes interventions à l’Assemblée Nationale et auprès du Gouvernement ou simplement des informations pratiques sur tous les sujets qui nous touchent lorsqu’on vit à l’étranger (renouvellement des titres d’identité, permis de conduire, déclaration d’impôts, équivalence de diplôme, Sécurité Sociale, retraite, retour en France, etc.).

Afin d’informer au mieux toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas venir à ma rencontre en circonscription, je fais le bilan de mes différents déplacements. Je pense qu’il est important, d’autant plus à l’étranger avec la distance que cela implique, que l’élu démontre son travail auprès de ceux qui l’ont choisi tout autant que de ceux qui ne sont pas de son bord. Je leur dois cette transparence.

Pour faciliter le contact, j’ai aussi mis en place une ligne WhatsApp où toute personne résidant dans l’un des quatre pays de ma circonscription peut recevoir les informations que je diffuse et me poser les questions pour que je les aide à résoudre leurs problèmes.

Avec mon équipe, nous nous mettons un point d’honneur à résoudre tous les dossiers que nous recevons quand ils relèvent de mes compétences. En ce sens, j’accompagne tous ceux qui m’écrivent en espérant que le plus grand nombre reçoit bien mes « appels d’offres » pour les aider.

Et les sujets sont très nombreux, parfois compliqués mais nous aidons toujours, que ce soit pour relayer un certificat de vie auprès de la CNAV, annuler la suspension des paiements d’une retraite, obtenir le renouvellement d’un passeport, répondre à des questions de fiscalité, à des questions de scolarité…

Au-delà de ce lien direct, j’organise des réunions publiques lors de mes déplacements en Principauté de Monaco pour que tout le monde puisse venir à ma rencontre et me faire part de ses difficultés. Parfois aussi de réussites !

Vous êtes-vous emparé du sujet des Enfants du Pays ?

Pour les mêmes raisons que je vous exposais au sujet de mes relations avec les autorités monégasques, ne pouvant intervenir à la place du Gouvernement monégasque ni à celle du Gouvernement français au risque d’ingérence, je n’interviens pas à ce degré du problème. Je n’en ai tout simplement pas le droit d’un point de vue formel mais je m’intéresse fortement au sujet.

J’ai d’ailleurs déjà été interpellé à ce propos juste après ma réélection de 2022 et à la suite de la parution du communiqué des élus du Conseil National qui relevait les écueils de la décision du Tribunal Suprême relative à la loi sur la sauvegarde et la reconstruction du secteur protégé votée un an plus tôt.

On me faisait part des risques éventuels d’exode des Enfants du Pays, avec toutes les conséquences que cela engendrerait notamment dans les accords franco-monégasques. En cela, mon rôle peut avoir un poids mais à ce stade, je ne peux me prononcer. Je ne manque cependant pas d’évoquer le sujet dès que je rencontre un membre du Gouvernement.

Cela a d’ailleurs été le cas lorsque j’ai eu l’honneur de retrouver le Prince Albert II de Monaco lors d’une nouvelle audience en mai dernier, deux ans après ma première rencontre avec son Altesse Sérénissime.

Nous avons pu parler de la relation bilatérale entre la France et Monaco, de la régulation financière, des infrastructures de transport pour les travailleurs pendulaires, du thème du numérique et de la biodiversité.

J’ai aussi souhaité garder un temps d’échange important pour évoquer les problématiques de logement des Enfants du Pays et ainsi tenter de porter la voix de ceux qui me parle de ce sujet important.

Quels sont vos prochains défis et projets ?

L’un de mes prochains défis est la mise en place d’un échange automatique de données d’état civil entre la France et la Principauté de Monaco.

Cela est le cas en ce moment même pour le Portugal et l’Espagne dont les administrations sont en train de parfaire la coordination avec les services de la France. J’ai écrit au Directeur de l’Union retraite la semaine dernière à ce sujet, j’ai aussi présenté ce projet viable au cabinet du Ministre de la Santé.

Cela mettra principalement un terme au système de présentation obligatoire du certificat de vie pour toute personne retraitée. Ce système est pénalisant à bien des égards pour nos aînés établis en Principauté de Monaco.

Je vais mener à bien d’autres défis. Comme je l’ai abordé déjà, je souhaite parvenir à la résolution des difficultés administratives rencontrées par certains allocataires de Pôle Emploi lors de formations à Monaco.

Dans le même esprit, je suis interpelé au sujet de la situation des françaises et français soumis aux délais et aux conditions de transcription des actes de naissance par le Service Central d’État Civil de Nantes.

Que ce soit pour les parents français résidant dans à Monaco ou bien ceux dont le suivi de la grossesse a eu lieu en Principauté de Monaco pour des raisons médicales, le traitement des demandes d’actes de naissance prend un temps fou.

En attendant, les nouveaux nés demeurent plusieurs mois sans existence juridique au regard de la loi française. Il y a aussi en parallèle des problèmes de discordance dans la transcription des noms de familles, des enfants d’une même fratrie et de mêmes parents se retrouvent ainsi avec des noms de famille différents.

Je viens d’interpeler le Gouvernement à ce propos, plus précisément la Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères.

Sur ces sujets, je souhaite travailler en profondeur pour que leur aspect administratif ne soit pas un frein dans la vie de nos compatriotes.

Je participe en outre au rassemblement mondial des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE). Le mondial des CCE 2022 s’est d’ailleurs déroulé à Monaco, démontrant la place stratégique de la Principauté et donc de la communauté française qui y est établie ainsi que celui que je peux avoir dans le dialogue à l’échelle du commerce extérieur de la France.

Je suis aussi mobilisé autour d’un projet de grande consultation des entrepreneurs pour l’employabilité des Français de l’étranger et je compte bien donner une place centrale à la voix des français à Monaco !

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