Club des Résidents Étrangers de Monaco : la chaleur humaine et l’humanisme monégasque

Entretien avec

Louisette Lévy-Soussan Azzoaglio, Club des Résidents Étrangers de Monaco

« Par sa création et grâce au dynamisme de ses membres, le Club des Résidents Étrangers de Monaco « CREM » va grandement contribuer à l’accueil et à l’intégration des très nombreux étrangers qui ont choisi de vivre à Monaco. Amitié, convivialité, services telles sont les valeurs que défend le Club. Il concourt à sa manière à la pérennité des traditions d’hospitalité et d’ouverture qui sont celles de la Principauté. Pour les nouveaux venus et quel que soit leur horizon, CREM est une porte ouverte sur la vie économique, sociale ou culturelle. »SAS Le Prince Albert II de Monaco, Président d’honneur des Résidents Étrangers de Monaco

Il y a 14 ans, naissait le Club des Résidents Étrangers de Monaco. Pouvez-vous nous raconter son histoire ?

L’idée de la création de ce Club, je la portais en moi depuis longtemps. Elle a germé ainsi dès que j’ai commencé à voyager et à partir à l’étranger, que ce soit à Paris, en Suède ou en Angleterre. Je me disais comment font les gens qui partent comme cela vivre loin de leur terre natale, de leurs racines et se retrouvent un peu dans un monde inconnu, parfois sans attache, sans amis autour. Lorsque l’on s’expatrie pour quelques temps ou plus longtemps, on est forcément souvent un peu isolé, loin de ses repères.

Loin de la Principauté, moi aussi j’étais l’étrangère dans un pays qui n’était pas le mien. J’ai évidemment pensé à tous les étrangers qui vivent à Monaco, et on sait combien la Principauté est cosmopolite. Je me demandais comment ils pouvaient rencontrer des personnes, créer des liens, des amitiés, avec le sentiment omniprésent, qu’ils auraient peut-être besoin d’un cocon intime, d’un espace sécurisant pour se rassembler, échanger, se rencontrer. Pendant de nombreuses années, j’ai porté cette idée en moi avant de me mobiliser pour la concrétiser lorsque le Prince Albert II a accédé au trône.

Sa genèse est donc pleinement liée à votre propre histoire ?

Elle est effectivement liée à mon propre parcours tant humain que professionnel. Je suis née à Monaco. Mes parents étaient d’origine italienne. Mon père était majordome, ma mère lingère et ils travaillaient au Palais sous le règne du Prince Louis II. J’ai fait toute ma scolarité à l’Institution des Dames de Saint-Maur puis au Lycée Albert Ier.

J’avais évidemment comme toute enfant et jeune fille des rêves d’avenir. J’aspirais d’abord à intégrer une école d’interprète à Genève, mais mes parents n’avaient pas les moyens financiers suffisants pour me payer ces études, et donc, après l’obtention du bac, j’ai décidé de voyager pour apprendre des langues étrangères différemment sur le terrain. Aujourd’hui je parle ainsi le français, l’espagnol, l’anglais et évidemment l’italien, qui reste la langue de mes origines. J’ai passé un an dans une école publique anglaise, puis un an en Suède où j’ai enseigné le français dans le Södermanland.

Je me suis au retour inscrite en Fac de lettres à Nice, mais j’avoue que je n’étais pas très assidue. Voulant me rapprocher d’un ami de lycée qui faisait des études de médecine, j’ai pensé commencer des cours d’infirmière, qui se sont avérés ne pas être faits pour moi, puisque lors de mon stage à l’hôpital, je m’évanouissais à la vue du sang plusieurs fois.

Ensuite, le service du protocole au Palais m’a contactée pour y travailler avec le Chambellan. Quelques temps plus tard, je suis passée au Centre de Presse avec l’attaché de presse de l’époque Monsieur Émile Cornet.

J’ai ensuite participé à la création du service presse pour la naissance du premier enfant du Prince Rainier III et de la Princesse Grace : la Princesse Caroline avec Monsieur Rupert Allan, un américain que la Princesse avait connu à Hollywood.

C’est évidemment un immense tournant dans ma vie puisque même si par la suite, je suis retournée à l’hôpital, je suis à nouveau sollicitée pour travailler aux côtés du Chef du Cabinet du Prince, ce qui dure quelques années, jusqu’à ce que l’on me propose de remplacer la secrétaire canadienne de la Princesse Grace, en attendant qu’elle trouve une secrétaire anglaise.

Cette situation provisoire a duré 19 ans, la Princesse Grace décidant de me garder à ses côtés. C’est peu dire qu’elle a bouleversé ma vie. Je garde pour elle une admiration et une affection immense. Elle était une personnalité hors du commun, comme on en rencontre peu, d’une intelligence de cœur et d’esprit rare, d’une curiosité artistique, intellectuelle, humaine qui irradiait partout où elle était.

Lorsque l’on évoque Rainier III comme le Prince Bâtisseur, il est évident que la Princesse Grace lui répondait en écho. Elle recevait des milliers de correspondances et de demandes, était admirée de toutes parts et très médiatisée. Pourtant, elle a toujours conservé son humanité et sa simplicité originelles. Elle a été et reste pour moi un modèle.

Elle était aussi d’ailleurs loin de sa terre natale, une étrangère, même si bien évidemment les Monégasques l’ont immédiatement adoptée. Elle est pour moi une source inépuisable d’inspiration et je dois avouer que la famille Princière occupe une place immense dans mon cœur. Loin d’être un simple employeur, la Princesse était une femme d’une sensibilité et d’une humanité, qui m’émeuvent encore aujourd’hui et qui m’ont apporté un immense soutien lors d’un terrible drame que j’ai traversé.

J’ai perdu tragiquement mon mari et elle m’a demandé de la suivre à Paris avec mes deux enfants puisque les jeunes Princesses étaient scolarisées dans des écoles françaises et passaient la saison scolaire à Paris. Je lui dois tant. L’annonce de sa mort a été pour moi un cataclysme.

Après sa disparition, j’ai d’ailleurs été la secrétaire du Prince Albert II jusqu’à son accession au trône ce qui a encore renforcé ce lien avec la famille Princière.

Comment le Prince Albert II vous a-t-il accompagnée ?

L’idée était là et se matérialisait dans mon esprit, d’autant que je suis très impliquée depuis toujours dans l’univers associatif que ce soit dans la création du Lions Club Féminin de Monaco, Stradivarius, association qui aidait les jeunes artistes débutants, Action Innocence Monaco, association qui se mobilise pour protéger les enfants des dangers d’internet qui avait été créée à Paris par Madame Valérie Wertheimer qui m’a demandé d’ouvrir une antenne à Monaco. Je fais également partie maintenant du conseil d’administration de la SPA Monaco.

Pour la naissance du Club, j’étais cependant confrontée à une problématique majeure. Il s’agissait de trouver un local à un prix abordable dans ce petit état de 2km2. Je me suis mise en quête de cet espace, que j’imaginais comme un « home » pour réunir les étrangers de Monaco qui en éprouveraient le besoin, et après avoir cherché sans succès pendant quatre ans, le Prince Albert II à qui j’avais confié mon projet et mes difficultés m’a apporté son aide en me mettant en contact avec Sir David et Sir Frederick Barclay, propriétaires de la Résidence Le Mirabeau qui abrite maintenant le Club.

Une fois le lieu trouvé, il fallait penser à la décoration, pour que nos visiteurs se sentent un peu comme chez eux, dans un univers chaleureux. C’est ainsi Lady Tina Green, décoratrice de talent a parfaitement perçu l’atmosphère que je souhaitais créer et l’a retranscrite avec son savoir-faire et son imagination. Cinq donateurs se sont mobilisés à part égale pour les frais d’ouverture et en décembre 2010, ainsi, le CREM pouvait pleinement devenir réalité.

Quelles sont été les évolutions du club depuis sa création ?

D’un petit nombre d’amis, nous sommes passés à plus de 500 adhérents aujourd’hui. C’est dire que nous répondions à un vrai besoin pour les étrangers qui se sont établis en Principauté pour quelques temps ou durablement. Le Club est véritablement à l’image de ce que j’avais imaginé, un lieu de rencontre chaleureux, qui conserve néanmoins une taille humaine, à laquelle je suis très attachée. C’est un lieu dans lequel on peut se rencontrer, partager des points communs et des différences, se retrouver autour d’un verre, d’un concert, d’un vernissage, d’une conférence…

Aux prémices, le Club fonctionnait grâce à quelques bénévoles mobilisés. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir pu recruter quatre personnes qui nous permettent d’aller plus loin encore.

Qui rassemble-t-il ?

Le Club est à l’image de la Principauté, cosmopolite et diversifié. Plus de 40 nationalités, de tous les horizons sociaux et professionnels, s’y croisent, partagent passions, problématiques et surtout chaleur humaine. Nous rassemblons ainsi des petits entrepreneurs tout autant que des grands chefs d’entreprises, des médecins ou des personnes qui sont très impliquées dans l’univers associatif, des femmes et des hommes, des jeunes et moins jeunes qui ont comme point commun d’avoir choisi la Principauté pour y vivre.

Quelles sont ses missions ?

Pour les nouveaux venus, il est évident que le Club participe activement à leur accueil et à leur intégration au sein de la vie monégasque. Il leur ouvre de beaux horizons qu’ils soient économiques, sociaux ou encore culturels, un réseau qui le cas échéant se mobilise pour accompagner celles et ceux qui pourraient en avoir besoin.

Le Club leur permet aussi de connaître plus facilement l’administration et la vie de la Principauté. Pour toutes celles et ceux qui en ont poussé la porte récemment ou depuis plus longtemps, le Club est le lieu de belles histoires d’amitié, de partage, d’entraide dans tous les domaines qui façonnent la vie humaine.

En quoi participe t-il du rayonnement de la Principauté sur la scène internationale ?

Je suis née dans la Principauté et c’est peu dire que je la porte au fond de moi, que lorsque j’étais loin d’elle, je transmettais tout autant mon amour pour elle que ses attraits. Le Club en ce sens essaye d’en être l’incarnation.

Les membres apprennent tous les jours le sens de l’hospitalité, l’humanisme et l’ouverture de l’âme de ce petit pays qui est un peu l’image du paradis sur terre.

Le Club est le reflet de l’Histoire, de l’esprit même de la Principauté qui inlassablement s’est façonnée en accueillant des nouveaux venus qui ont participé à son évolution dans le temps, en sont devenus des acteurs majeurs, que ce soit dans le domaine économique, culturel ou encore social.

La politique gouvernementale soutient en outre depuis longtemps l’arrivée et l’intégration de ces résidents étrangers dans la Principauté.

Le Prince Albert II est évidemment un acteur fort dans ce rayonnement. Il est l’un de nos fidèles depuis nos débuts, il m’a accompagnée pour faire d’un rêve une réalité. Il en est le Président d’Honneur.

Nous savons combien il est habité par cette ouverture d’esprit immense, tel ce rocher qui embrasse la Méditerranée à perte de vue, et vogue vers toutes les terres, mers et océans d’ailleurs. Par là même notre Club ne peut que participer au rayonnement Ô combien mérité de la Principauté.

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