De la dynamique entrepreneuriale monégasque

Entretien avec

Philippe Ortelli, Président de la FEDEM

Avec quelque 2500 entreprises, sur ses 2 km², c’est peu dire que le tissu entrepreneurial de la Principauté de Monaco est riche et dense. Créée en 1945, la FEDEM, fédération de 31 syndicats patronaux affiliés, représente ainsi tous les secteurs économiques tout en regroupant également près d’une centaine d’entreprises associées à titre individuel non représentées par un syndicat de branche.

La FEDEM, anciennement FPM existe depuis 1945. Quelles ont été ses évolutions majeures ?

La FEDEM est l’organisme paritaire qui représente les intérêts des entreprises monégasques. Depuis sa création en 1945, ces 79 dernières années ont transformé la Principauté pour en faire un centre d’affaires majeur, et cela dans un contexte national et international en pleine mutation, comme l’a montré par exemple la construction de l’Union Européenne. Pendant toute cette période, Monaco a su préserver ses spécificités qui ont permis la réussite de son modèle économique et social.

Pour renforcer sa mission de soutenir les entreprises monégasques, qui financent le modèle économique et social libéral, la FEDEM évolue en permanence pour être plus efficace et au plus près de leurs besoins. C’est pour marquer cette adaptation qu’elle avait changé son nom en 2014 de Fédération Patronale Monégasque (FPM) à Fédération des Entreprises Monégasques (FEDEM).

Quel est le profil aujourd’hui des entreprises monégasques et quels en sont les secteurs clés ?

La Principauté compte aujourd’hui plus de 2500 entreprises sur un territoire d’à peine plus de 2 km². Ce sont majoritairement des PME et des TPE d’une taille moyenne de 23 salariés.

La force de l’économie monégasque provient de ce modèle social libéral qui permet en plus une forte diversification, ainsi que sa grande adaptabilité. Célèbre pour son immobilier dynamique, Monaco est aussi un acteur important dans des secteurs clés comme le numérique, les activités scientifiques et techniques, les activités financières et l’assurance, la construction, l’hébergement et la restauration, le commerce de gros et de détail, les industries, et le transport.

Aussi, à l’exception de la période de la crise sanitaire, l’économie monégasque crée en moyenne 2% d’emplois supplémentaires chaque année, et même plus de 5% entre 2022 et 2023. Au global, plus de 58 000 salariés travaillent aujourd’hui dans le secteur privé à Monaco, ce qui représente plus de 103 millions d’heures travaillées. Les salariés sont majoritairement français, mais au total 140 nationalités sont représentées en Principauté.

Autre particularité : seulement 10,6% des salariés résident dans le pays, tandis que plus de 80% proviennent de France, et près de 9% d’Italie. Ces salariés résidant à l’étranger sont appelés des « pendulaires », et leur nombre croissant fait de la Principauté un bassin d’emploi majeur des régions économiques voisines.

À quelles problématiques majeures sont-elles confrontées ?

Les problématiques majeures sont celles des difficultés d’accès et de logement des salariés de la Principauté, conséquence directe de sa forte attractivité. Des dizaines de milliers de pendulaires viennent chaque jour y travailler depuis la France ou l’Italie.

Au-delà, les problématiques des entreprises monégasques sont les mêmes que dans les pays voisins : l’inflation, le poids croissant des normes, la restriction progressive des libertés, autant de facteurs susceptibles d’impacter négativement l’économie du pays.

Si l’exiguïté du territoire monégasque rend les entreprises plus sensibles à ces contraintes, son modèle social libéral lui offre une plus grande réactivité, comme l’a montré la reprise très rapide après la crise sanitaire.

Comment les accompagnez-vous ?

Partenaire social et économique, la FEDEM participe aux évolutions des dispositions légales et réglementaires pour que le droit social monégasque reste adapté à un tissu économique composé majoritairement de PME et de TPE.

Elle discute et négocie les Avenants à la Convention Collective Nationale du Travail et participe également au dialogue social.

Pour veiller au plus près aux intérêts des entreprises, la FEDEM est représentée au sein des organismes socio-économiques monégasques (Tribunal du Travail, Comités de Contrôle des Caisses Sociales, Office de la Médecine du Travail…) et des commissions paritaires.

Elle apporte aussi son support pratique aux syndicats patronaux affiliés afin qu’ils puissent réaliser au mieux leurs missions.

Pour aider directement les entreprises à sécuriser au mieux leurs relations de travail, la FEDEM leur fournit une assistance juridique précontentieuse en droit social monégasque.

Son rôle de partenaire social lui offre aussi l’expertise pour proposer des formations juridiques pratiques sur des thèmes particuliers du droit social monégasque (inaptitude des salariés au travail, contrats de travail, durée du travail et aménagement, …), pour une meilleure compréhension des spécificités de ce droit si différent du droit français.

Dans ce même objectif, la FEDEM est également à l’origine de la création en 2015 du Diplôme d’Université de Droit Social Monégasque, en partenariat avec l’Université de Montpellier.

La FEDEM est également à l’origine, avec l’Union des Syndicats de Monaco, de la création de la Caisse Monégasque de Retraite Complémentaire, effective depuis le 1er janvier 2024, et qui offrira aux salariés et retraités de la Principauté une meilleure pension.

La FEDEM publie par ailleurs le magazine économique, juridique et social « Monaco Business News » qui apporte aux entrepreneurs des informations pratiques et utiles.

Enfin, la FEDEM a mis en place, en partenariat avec le Gouvernement Princier, un dispositif d’aide à la formation professionnelle réservé à l’ensemble des chefs d’entreprises de la Principauté.

Ont-elles été gravement impactées par la crise sanitaire et comment sont-elles parvenues à retrouver leur dynamique ?

Comme dans les pays voisins, le confinement a bien sûr eu des effets marqués sur l’économie en 2020, avec certains secteurs, comme l’hôtellerie, la restauration, la communication et l’événementiel, plus impactés que d’autres, et a ainsi montré l’importance de sa diversification.

Mais le modèle social libéral spécifique de la Principauté a permis un très fort rattrapage dès 2021, aussi le taux de croissance annuel sur la dernière décennie est de 4,4%.

Quelles sont vos prochaines échéances ?

Plutôt que d’échéances, je parlerai de dossiers prioritaires, dont plusieurs auront des conséquences majeures sur l’avenir de notre pays.

Tout d’abord, les négociations, actuellement suspendues, entre Monaco et l’Union Européenne pour un éventuel accord d’association auront forcément un impact sur l’économie monégasque, quelle que soit leur issue.

Un potentiel accord d’association avec l’U.E. ne doit pas venir entraver la liberté des entreprises monégasques, au même titre qu’un potentiel non-accord ne doit pas signifier l’isolement économique de notre pays.

Ensuite, la FEDEM est fortement mobilisée contre la surtransposition des standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, et la prolifération des armes de destruction massive, pour ne pas mettre en péril l’économie monégasque.

Ces nouvelles règles qui s’empilent ne font pas qu’ajouter des contraintes lourdes aux entrepreneurs, elles réduisent aussi toute notre liberté. Aussi, il est vital de ne pas s’en imposer de plus strictes que celles réellement demandées, surtout à un tissu de PME qui n’ont pas les moyens humains et financiers pour payer des charges de compliance.

Comme déjà indiqué, parmi les autres dossiers prioritaires, les difficultés d’accès et de logement des actifs devront être enfin solutionnées. Au-delà même de leurs conséquences écologiques, elles freinent les processus de recrutement, et donc le développement de nos entreprises.

Pour y parvenir, nous proposons depuis plusieurs années la création d’une ligne de métro reliant Monaco à l’aéroport de Nice et à Vintimille, projet qui intéresse les autorités monégasque et française.

Et au-delà de ces dossiers, la FEDEM agit au quotidien sur tous les aspects de la vie économique, notamment au travers de ses échanges avec les entrepreneurs pour mieux appréhender leurs besoins, et les représenter auprès d’une législation qui soutienne la réussite économique du pays.

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