Entretien avec

SEM Jean-Christophe BELLIARD, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France en Côte d’Ivoire

Quel que soit le secteur, la France et la Côte d’Ivoire entretiennent des relations d’excellence qui loin de se distendre se font croissantes. Plus encore, à l’heure de multiples bouleversements, la Côte d’Ivoire fait figure d’exemple en terme de stabilité, comme un îlot de paix.

Vous êtes Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France en Côte d’Ivoire depuis octobre 2020. Depuis votre arrivée, quel bilan faites-vous des relations entre la France et la Côte d’Ivoire ?

Les relations entre la France et la Côte d’Ivoire sont très bonnes. Nous sommes dans un moment très positif. Les relations, au niveau politique, sont excellentes. Les deux Présidents se voient et se parlent régulièrement. Beaucoup de visites de ministres ivoiriens en France, et beaucoup de visites de ministres français en Côte d’Ivoire, mais également des parlementaires. Les relations économiques sont également très bonnes. De très nombreux opérateurs économiques français s’intéressent au marché ivoirien, parce que le climat des affaires est favorable. Les entreprises viennent, s’installent, cherchent à investir. Il y a des petites et moyennes entreprises, et de jeunes entrepreneurs issus des diasporas qui s’installent, nous sommes là pour les accompagner.

Dans le domaine éducatif, nous avons des lycées et des établissements homologués qui marchent bien, et illustrent cette belle coopération franco-ivoirienne.

Notre coopération universitaire fonctionne bien avec ce qu’on appelle le hub franco-ivoirien. Le hub franco-ivoirien pour l’éducation a pour objectif de permettre à des étudiants ivoiriens de passer des diplômes français en restant en Côte d’Ivoire. C’est une plateforme qui réunit plus de 77 formations universitaires, lesquelles délivrent des diplômes franco-ivoiriens. Un établissement français peut ainsi délocaliser ses formations en Côte d’Ivoire, les curriculums sont harmonisés, et les étudiants obtiennent des diplômes reconnus.

Nos relations dans le domaine sécuritaire sont également excellentes, dans le contexte régional que vous connaissez.

D’ailleurs, il y a quelques semaines, le Ministre de la Défense ivoirien et la Secrétaire d’État française chargée des partenariats internationaux ont co-présidé le premier conseil d’administration des donateurs de l’académie internationale de lutte contre le terrorisme. Les deux Présidents, Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont eu du flair lorsqu’ensemble, il y a trois ans, ils ont eu l’idée de créer l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme (AILCT).

Trois ans après, cette Académie existe, est sortie de terre et a commencé ses formations. Depuis 2020, plus de 1 000 personnels, ivoiriens et de l’ensemble du continent, ont été formés. Cette académie vient à point nommé dans un contexte sécuritaire régional dégradé, avec la progression du terrorisme au Mali et au Burkina Faso. Cette Académie est internationale. Elle est ouverte au monde. Elle est ouverte à l’ensemble des pays de la CEDEAO, ainsi qu’à tous les pays africains.

Donc sur le plan politique, culturel, économique, sécuritaire, tout cela marche bien.

Quel est le profil de la communauté française en Côte d’Ivoire ?

Aujourd’hui, près de 18 500 français vivent en Côte d’Ivoire et plus de 100 000 ivoiriens en France. Les relations entre nos deux pays ne cessent de s’amplifier et les profils de ces communautés françaises sont très variés.

Vous avez de plus en plus de jeunes qui viennent s’engager dans des associations (1500 volontaires ces sept dernières années), se former en entreprise, avec près de 1000 jeunes chaque année, et des français d’origine ivoirienne, jeunes ivoiriens ou jeunes français ayant des liens avec les pays de la région qui rentrent pour lancer leurs projets et nous les accompagnons.

Nous les accompagnons avec France Volontaires pour l’engagement en association, avec Business France pour les jeunes en entreprise et Proparco pour le soutien aux jeunes entrepreneurs. Je pense à Moulaye Taboure, entrepreneur franco-malien installé en Côte d’Ivoire, il a créé une plateforme de vente d’artisanat africain (anciennement Afrikrea, aujourd’hui Anka) et figure aujourd’hui parmi les 30 jeunes les plus influents du continent. Nous sommes fiers de l’avoir accompagné via Proparco.

Quels sont aujourd’hui vos principaux défis ?

Faire avancer les projets sur lesquels nous nous sommes engagés. Celui dont on parle le plus, c’est celui du métro, où, d’ici la fin de l’année, on va assister effectivement au démarrage effectif des travaux et aux premiers coups de pioche. Même chose pour l’aéroport. Quand on voyage dans le pays, on observe un peu partout des chantiers, notamment de routes, par exemple « la côtière », mais pas uniquement.

J’ai récemment accompagné le Ministre des Sports pour le lancement des travaux de deux complexes sportifs (projet Agora), à Touba (en présence du Ministre du Budget) et Dimokro (en présence du Ministre des Finances), ainsi que la Ministre d’État, Ministre des Affaires Étrangères pour l’inauguration de l’Agora d’Abobo.

Il y a également les secteurs sociaux, l’éducation, la santé, où notre coopération est importante, à la fois dans la construction de structures, tels que des hôpitaux, des lycées, mais également la formation du personnel, et la mise en place de filières. On a le « Hub franco-ivoirien », où des accords sont signés entre les structures telles que l’INPHB, à Yamoussoukro, et des grandes écoles françaises, dans le domaine du commerce avec HEC, dans le domaine de l’ingénierie avec Polytechnique, mais aussi dans le domaine de la médecine, par exemple.

Dans tous les domaines, les choses avancent. 2023 a été décrétée « année de la jeunesse » en Côte d’Ivoire et c’est un sujet très important : l’employabilité des jeunes, le financement du développement via Proparco et BPI France. Proparco est une structure qui fait partie de l’AFD, qui soutient les organismes financiers locaux, lesquels encouragent et soutiennent les initiatives des jeunes ivoiriens et ivoiriennes qui cherchent à créer des entreprises, des start-up. Elles ont besoin de conseils et d’argent pour commencer. C’est vraiment la grande priorité des années à venir, en particulier en faveur des jeunes et des femmes.

Autre défi, majeur, et je souhaite qu’on progresse le plus rapidement possible : la question des visas. Les délais sont trop longs, les incertitudes trop fortes. Nous devons, nous allons trouver des solutions.

Et la Culture ? Le Sport ?

C’est essentiel. La France a toujours promu la culture, sous toutes ses formes. Les relations entre nos deux pays sont, dans ce domaine, depuis toujours, très importantes. L’Institut français de Côte d’Ivoire organise plus de 150 événements par an pour lesquels les artistes ivoiriens sont à l’honneur.

De nombreux chanteurs, humoristes font des allers-retours entre nos deux pays et nous sommes heureux de pouvoir faire partie de cette aventure. L’année dernière en 2021, j’ai remis les palmes académiques, plus haute distinction française dans le domaine de la culture, à Alpha Blondy et à Véronique Tadjo. Lors de sa récente visite en Côte d’Ivoire, la Ministre française des Affaires Étrangères a visité, à Yopougon, une bibliothèque féministe.

Dans le domaine du sport, d’abord c’est quelque chose qui m’intéresse personnellement. Mais le sport, c’est la jeunesse, c’est l’effort, c’est la cohésion, ce sont des valeurs très importantes. Et puis, je vois bien qu’en Côte d’Ivoire pour un certain nombre de sports, il y a un véritable enthousiasme, à commencer par le football, le basket, le rugby, le taekwondo. Et puis je suis un fan de Marie-Jo Ta Lou. J’espère qu’elle décrochera une médaille lors des prochains championnats du monde d’athlétisme.

La Côte d’Ivoire organise, en janvier 2024, la Coupe d’Afrique des Nations qui sera un moment très important pour le pays. Je ne manquerai aucun match des éléphants !

En bref ?

Quand on voit ce qui se passe dans la sous-région, on ne peut que tirer la conclusion que la Côte d’Ivoire est un exemple. La Côte d’Ivoire est stable. La Côte d’Ivoire est sereine. La Côte d’Ivoire progresse. La Côte d’Ivoire est, dans cet environnement difficile, un îlot de paix et de stabilité. Il n’est pas superflu de le souligner.

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